Thierry Stokkermans

  • Plantule de radis en SDSC aux Pays-Bas
  • Vue aérienne du site d'Oberacker, Suisse
  • Résultat levée de tournesol sans engrais organique
  • Hairpinning
  • Maïs en agriculture de conservation des sols
26
juillet
2016

Fumure organique localisée : attention, accident possible !

En semis direct, il est important de fournir un peu d’azote à la plantule pour l’aider à démarrer. La fertilisation localisée est l’outil idéal pour apporter le “petit déjeuner” et les engrais organiques semblent le florilège mais attention les accidents sont possibles et sont déjà arrivés. Voici un retour d’expérience du printemps 2016 sur des tournesols.
La localisation de l’azote en semis direct permet de pallier au blocage dû aux jeunes résidus. En effet, les végétaux en décomposition à la surface mobilisent et bloquent une grande quantité d’azote et, par conséquent, l’élément devient rare dans l’horizon superficiel. La fertilisation localisée est l’outil idéal pour palier à la situation. Lorsque la localisation de l’engrais est nettement séparée de la graine, il est possible de mettre une dose importante d’azote sans risque pour la plantule. Par contre, lorsque l’engrais azoté est localisé dans le sillon de la graine, il est possible que le germe soit brulé par l’azote fraichement libéré. Pour éviter cela, une des solutions est d’utiliser un engrais organique qui mettra plus de temps à libérer l’azote. Ce sont des engrais dits “doux”.

Aux Pays Bas, le bouchon de fientes de poulets est un engrais organique largement disponible et attractif de par son prix. En NPK, il dose 4-3-3 et sur le bon, il est indiqué que son C/N est supérieur à 10. Avec une tonne par hectare de ce produit, l’apport azoté est de 40 unités. Ceci suffit pour couvrir les besoins de la culture de tournesol.
Ayant un engrais “doux” sous la main, des besoins de culture plutôt faibles et un semoir capable d’apporter de grandes quantités, il a été décidé de solder tout l’engrais au semis. Le semis direct du tournesol a eu lieu le mardi 17 mai. L’engrais organique a été localisé auprès de la graine. L’opération s’est bien passée et le tracteur a été rentré avec la satisfaction du travail bien fait.
Dans les jours qui ont suivi, le sud des Pays Bas a connu un épisode “pluie, mare et canard” identique au nord de la France. Il y a eu des flaques d’eau sur la parcelle qui ont duré plusieurs semaines (inconvénient du Plat Pays). La levée du tournesol s’est mal passée. Une partie des pertes est directement liée à l’excès d’eau mais il y a des zones où les pertes sont plus difficiles à expliquer. En effet, l’eau y a stagné moins longtemps, voire pas du tout. La semence était traitée et il n’y avait pas de traces de prédateurs. Par conséquent, la question s’est posée : est ce que l’engrais n’a pas eu un effet sur l’émergence des plantes ?

Un essai a été mis en place pour vérifier l’hypothèse. Il ne faisait que quelques mètres carrés. Il y avait deux traitements : le premier est le témoin 0, il est sans engrais (figure 1) et le second avec l’engrais “doux” à la dose de 1000 kg/ha (figure 2). Comme dans la première parcelle, le tournesol est semé à 75 cm d’inter rang, il y a donc 5,5 graines par mètre linéaire et 75 g d’engrais. L’essai a été semé la troisième décade de juin.

  • Figure 1 Essai tournesol sans engrais
  • Figure 2 tournesol avec engrais organique
  • Résultat levée tournesol avec engrais organique
  • Résultat levée de tournesol sans engrais organique

La conclusion est sans appel : les bouchons de fientes de poulet ont eu un effet négatif sur la levée (figure 3). En effet, dans ce deuxième essai, le traitement “avec engrais” a presque perdu 100% des graines. Alors que, comme le montre la figure 4, le traitement “sans engrais” s’en sort plutôt bien (sans être parfait pour autant car il y a quelques pertes).
Il ressort de l’essai qu’un excès de bouchon de fientes de poulet en localisé dans le sillon a un effet négatif sur la levée du tournesol. Néanmoins, il reste une question en suspens : quel élément/partie de l’engrais organique a eu un effet négatif sur la semence/plantule ? En effet, l’azote peut bruler un germe mais la décomposition de la matière organique peut aussi attaquer et tuer un germe. Ce dernier phénomène est connu de certains SDistes utilisant des semoirs à disques. Lorsqu’il y a du “hairpinning” et de la pluie par la suite, la décomposition des végétaux libère un jus acide qui attaquent les germes. Une attaque sévère tuera les germes. Au même titre que les résidus de surface, le bouchon de fiente de poulet est une matière organique fraiche et il est possible que sa décomposition libère suffisamment de jus acide pour venir à bout des germes de tournesol. Par conséquent la question reste ouverte : est ce que les pertes de tournesol sont dues à des brulures azotés ou à des jus de décomposition de la matière organique fraiche ?
Pour conclure, il est intéressant de rajouter que du maïs a été semé dans les mêmes conditions (même semoir, même engrais, même réglage et même terroir) et, paradoxalement, le maïs a plus de 90% de plantes levées. Cela met encore une fois en évidence la sensibilité du tournesol quant à son emblavement et le besoin de cette graine pour un semis de qualité.


3
juin
2016

Quel futur pour le semis direct en bio ?

Les produits issus de l’Agriculture Biologique (AB) sont commercialisés en mettant en avant la santé et la préservation de l’environnement. Au même moment, les scientifiques ont prouvé que l’Agriculture de Conservation (AC) est nécessaire pour gérer nos ressources et devenir une société durable. Mais, en 2016, le semis direct en AB est une pratique marginale. En effet, il est difficile de cultiver du blé, du maïs, du soja et de la tomate en AB sans recourir au travail du sol. Le principal verrou est la gestion des adventices, en particulier lorsque la rotation inclue une culture pérenne (une prairie pluriannuelle par exemple). Cependant, il est possible que le semis direct en AB devienne une pratique courante dans le futur et ceci grâce aux développements technologiques.

Une activité biologique du sol inimaginable

Dernièrement, la science a découvert qu’il y avait beaucoup plus d’espèces vivantes sur la planète terre qu’on ne le pensait. Un des lieux de découverte est le sol et son intense vie microbienne. Il y a une activité biologique inimaginable dans le sol. Selon le Global Soil Biodiversity Atlas, il pourrait y avoir 10 millions d’espèces de nématodes, 70 millions de protistes et 5 millions de champignons et il y a au moins 1 million d’espèces de bactéries sans savoir combien il pourrait y en avoir au total dans nos sols. De plus, toutes ces espèces produisent différentes substances qui ont différentes propriétés. Cela signifie qu’il y a un très grand nombre de substances organiques, telles que des protéines, que l’humanité pourrait utiliser dans différents domaines et pour différentes fonctions.

Aves les substances organiques, des projets d’affaires

De plus, le monde des affaires s’intéresse de plus en plus à ces substances organiques et à leurs propriétés spécifiques. En effet, il y a un grand nombre de problèmes à résoudre sur notre planète et ces nouvelles substances aux propriétés particulières peuvent aider à résoudre un certain nombre de problèmes. Et, comme toujours lorsqu’il y a un besoin et une solution industrialisable, il y a un projet d’affaires. Avec les substances organiques, il n’y a pas un projet d’affaires mais des milliers. Parmi les millions d’espèces microbiennes, les bactéries semblent particulièrement intéressantes pour développer de nouvelles solutions. D’un point de vue technologique, elles allient croissance et développement rapide et simple. A titre d’exemple, les bactéries sont étudiées pour produire des colorants alimentaires ou pour extraire des métaux rares.

Vers des herbicides biologiques...

Création d'un herbicide à partir d'une bactérie
Où est le lien avec le semis direct en AB ? C’est simple : prenez un grand nombre de bactéries et cherchez pour les bactéries qui produisent des molécules herbicides (figure 1). Les herbicides trouvés peuvent être de plusieurs types allant de l’herbicide de contact sélectif à l’herbicide systémique non-sélectif. Avec une telle gamme d’herbicides biologiques qui pourront être pulvérisés sur les parcelles, le semis direct en AB deviendra faisable, efficace et compétitif.

A quel point ces herbicides sont ils biologiques ? Ils seront totalement bio et recevront leur homologation pour l’AB. Les bactéries seront cultivées de façon biologique et les molécules seront mécaniquement extraites des bactéries ce qui est accepté par le cahier des charges AB.
Qui va faire ça ? Les grands groupes impliqués dans les sciences de la vie joueront un rôle important. Ils connaissent parfaitement le milieu et ont le réseau de vente et la puissance financière nécessaire. Par conséquent, il est probable que Monsanto ou BASF fournissent les agriculteurs bio et conventionnels avec des herbicides bio.
Quel est le niveau de savoir-faire ? Pour la culture des bactéries et extraction des molécules, le savoir-faire est très bon. Les procédés sont connus et les ingénieurs continuent d’améliorer les techniques de cultures et d’extractions. Par exemple : l’insuline pour soigner le diabète est produite par des bactéries depuis 1982 et la start-up Phytonext a amélioré l’extraction mécanique de molécules pour les produits organiques. Mais, comme expliqué ci-dessus, les bactéries du sol et les substances qu’elles produisent sont, pour ainsi dire, inconnues et c’est dans ce domaine que la recherche et les investissements prendront place.

Du moyen ou du long terme

Quand sera la mise sur le marché du premier produit ? C’est du moyen ou du long terme. Cela dépend du labeur des scientifiques et des investissements des compagnies. Cela peut prendre 5 ans s’ils ont déjà fait des trouvailles significatives ou 10 ans s’ils trouvent des difficultés en chemin.
Est-ce que ces herbicides biologiques seront-ils sains et écologiques ? Je répondrais avec une question : est ce que le CO2 est sain et écologique ? J’ai pris le CO2 car c’est une substance organique produite par quasiment tous les êtres vivants et il a aussi bien des effets positifs que négatifs sur la santé et l’environnement. Le problème avec le CO2 n’est pas son existence mais le fait de gérer les quantités et les taux.


19
mai
2016

Evolution des sols : les électrons libres ne sont pas anodins

Les électrons sont partout car ils sont un des trois éléments constituant les atomes et trouvent un grand nombre d’utilisations. Certains les récoltent dans le sol pour les vendre. D’autres les utilisent pour fabriquer des rochers artificiels en attrapant les particules fines. Et cela mène à la question : quels sont leurs effets sur l’évolution des sols agricoles à court, moyen et long terme ?
Il est connu que l’activité biologique génère des réactions chimiques et, par conséquent, des échanges d’électrons (figure 1).
Activité biologique et électrons
Dans le contexte des énergies renouvelables, une Start Up Néerlandaise nommée Plant-e a décidé de récolter les électrons et de les vendre. Ils vendent donc de l’électricité issue directement de l’activité biologique.
L’idée est simple : faire pousser des plantes pour générer des processus chimiques et récolter l’électricité. Aujourd’hui pour récolter l’électricité facilement, ils travaillent dans des milieux aquatiques peu profonds tels que les rizières, les marais et certains toits végétalisés (figure 2).
Le principe électrique Plant-e
En effet, l’eau de ces milieux est conductrice d’électricité et cela limite le nombre d’Anodes et de Cathodes à placer. Les quantités d’électricité récoltées sont relativement faibles. A titre indicatif, le système peut équiper un jardin pour l’éclairer la nuit (par conséquent le jardin s’auto-éclaire). L’entreprise présente la technologie plutôt comme un générateur de revenu secondaire, par exemple pour les cultivateurs de riz en Asie ou pour réduire l’empreinte Carbone tel l’éclairage de jardins publics.
C’est un procédé intéressant et amusant. Mais ce n’est pas le seul procédé qui travaille sur les électrons dans les milieux aquatiques. Comme vous le savez, l’érosion du littoral est un problème d’actualité et la startup française GeoCorail a décidé de s’y attaquer … avec de l’électricité. En effet, ils font circuler de l’électricité à travers un grillage/maillage-de-fil immergé (figure 3) et créent des roches artificielles au large qui protègent le littoral.
Le principe électrique GeoCorail
En effet, lorsqu’ils font passer le courant électrique, les particules fines en suspension viennent s’accrocher sur la structure en formant des liaisons fortes et en additionnant les particules fines et les liaisons fortes, l’entreprise obtient des rochers artificiels pour protéger le littoral. En France, La Rochelle possède un tel rocher.
En agriculture, il est très peu, voire pas du tout, question d’électricité dans le sol. Pourtant il y en a. L’activité biologique génère des processus chimiques qui font s’échanger les électrons mais aussi, le travail mécanique génère du frottement qui, à son tour, libère des électrons. Par exemple, un soc, une dent ou un versoir frottent le sol et libèrent des électrons (figure 4).
Production d'électrons par le travail mécanique
Donc en agriculture, il y a des phénomènes électriques dans le sol. Ils semblent à priori faibles mais néanmoins suffisamment grands pour qu’une entreprise d’énergies nouvelle s’y intéresse. Et, sous certaines conditions, l’électricité et les éléments fins peuvent former des liaisons fortes et par conséquent de la roche. En conclusion, il faut admettre qu’il y a peu de choses connues sur l’effet de l’électricité sur le sol et son évolution à court, moyen ou long terme. Néanmoins, il est intéressant de garder ce « petit-savoir » à l’esprit car il peut être utile pour vérifier, expliquer et quantifier des processus de dégradation ou d’aggradation des sols agricoles.


12
avril
2016

Pommes de terre en Agriculture de Conservation des sols : butter et verdir

Ceci est une idée et rien qu’une idée.
En matière de conservation des sols et d’agroécologie, la pomme de terre est un véritable challenge. Elle demande de bouleverser le sol en profondeur à la plantation et à la récolte et, en agriculture conventionnelle, le pulvérisateur sort souvent. Aux Pays Bas, la patate reçoit entre 10 et 16 traitements par an et la culture utilise la moitié des produits phytosanitaires vendus dans le pays (source : Wageningen University).

Réinventer sa culture

La pomme de terre est une culture qui demande beaucoup au sol et à l’environnement mais elle a aussi un fort impact économique. Du Hachis Parmentier à la frite MacDo, la pomme de terre est partout et les ménages la plébiscitent. Par conséquent, la pomme de terre a un avenir économique assuré et, pour la concilier avec nos sols, il nous faudra réinventer sa culture pour la rendre moins impactante.
La pomme de terre en agroécologie est déjà une réalité. Les frères Rockey en Amérique du Nord sont bien avancés sur le sujet et Benoit Leforestier en France cultive l’idée des plantes compagnes. Néanmoins, nous ne sommes qu’au début du « gentil bordel créatif » et les idées et les expériences de chacun ne peuvent que renforcer la dynamique. Le principe « butter et verdir » est présenté et expliqué dans ce billet.

Des couverts pour créer un lit à tubercules

Partons de 2 constats : (a) la culture de la pomme de terre se pratique en butte (donc travail du sol pour former les buttes) et (b) la culture de la pomme de terre demande une terre finement émiettée pour obtenir de beaux tubercules (donc travail du sol pour émietter le sol). Ces 2 constats indiquent la voix de la réflexion : il faut faire des buttes de terre dans laquelle la pomme de terre pourra bien se développer. Créer des buttes est forcément une opération mécanique mais créer le « lit de tubercules » peut être une opération biologique. En effet, les racines et la vie du sol peuvent affiner une structure et en faire un « lit à tubercules ». D’où l’idée suivante : utiliser les couverts végétaux pour créer le « lit à tubercules ».
Butter et verdir - Figure 1 Chaumes
Dans la pratique, le blé est un précédent fréquent pour la culture de pommes de terre. La situation de départ est donc un champ plat de chaumes (figure 1).
Butter et Verdir - Figure 2 Butter
Dans les jours qui suivent la récolte du blé, il faut butter (figure 2)
Butter et verdir - Figure 3 Couvert
et ensemencer la parcelle avec les engrais verts qui vont émietter les mottes pour en faire de la terre fine, dynamiser la vie du sol et régénérer ce dernier (figure 3). Dans l’état actuel des connaissances, le couvert serait composé d’un mix de plantes, tel un couvert Biomax par exemple, avec des légumineuses pour apporter de l’azote et dynamiser la vie du sol et des graminées pour leur système racinaire fasciculé qui structure le sol. Selon la région, le climat et le type de pommes de terre cultivé (primeur, consommation, …), la destruction du couvert pourra se faire chimiquement, par le gel ou par roulage. Mais jamais par déchaumage car cela supprime l’effet couverture du sol et l’enfouissement des parties aériennes peut porter préjudice à la qualité des tubercules (tel des taches noires par exemple).

Garder la vie du sol créée

Butter et verdir - Figure 4 Planter
Les tubercules seront plantées avec une planteuse de semis direct. Le but est de garder en place la structure et la vie du sol créées (figure 4).
En effet, c’est en favorisant les organismes bénéfiques ou neutres de la vie du sol qu’il est possible d’occuper l’espace biologique et, par conséquent, de limiter l’espace vital des pathogènes. La nature a horreur du vide et aime la diversité et c’est dans ces espaces laissés libres que les pathogènes prolifèrent. Si l’agriculteur incite les organismes bénéfiques à occuper l’espace libre, il y aura moins de place pour les pathogènes. La pression pathogène est réduite. Le besoin de traiter est moindre. Le sol se porte mieux et, à priori, des économies d’intrants sont faites. De plus, certains produits en pomme de terre sont connus pour donner des maux de tête ; réduire l’usage de ces produits est aussi un gain en qualité de vie pour l’applicateur et sa famille.
Butter et verdir - Figure 5 Lever
Comme le montre la figure 5, l’idée est de faire pousser la pomme de terre dans un milieu riche en vie et en organismes bénéfiques ou neutres. Il est possible alors de parler de milieu probiotique ou de culture probiotique (« pro » = favorable et « bio » = vie). C’est l’opposé de la culture abiotique (« a » = sans et « bio » = vie) où l’objectif est de rendre le sol inerte. Les méthodes probiotiques sont des outils de l’agroécologie. Ici, dans l’exemple, le couvert est riche en azote pour avoir des résidus qui se décomposent rapidement, une vie du sol dynamique et des nutriments relargués durant la croissance de la pomme de terre.
Butter et verdir - Figure 6 - Récolte
A la fin du cycle de la pomme de terre (figure 6), la culture sera récoltée avec une arracheuse standard et de la même façon que n’importe quelle autre pomme de terre. Dans l’idée, la qualité et le rendement devront être égaux ou supérieurs à la méthode abiotique pour assurer les comptes et le bilan de l’exploitation. Assurer un revenu en année n est toujours la priorité numéro un d’une entreprise saine et les exploitations agricoles ne coupent pas à la règle. Par conséquent, l’idée décrite ici se devra de respecter la règle.

Une idée qui n’est pas nouvelle

Mais, en toute honnêteté, cette idée n’est pas entièrement nouvelle. Ron Morse aux USA a travaillé le sujet de la pomme de terre en planches en semis direct et sous couvert. Deux vidéos ont été publiées sur le sujet (vidéo1 et vidéo2) et un article. Ces travaux se rapprochent assez de l’idée décrite ici à la différence qu’il a mis l’accent sur l’effet de couverture (paille de seigle par exemple) plutôt que sur la vie du sol. Travaillant dans un terroir « chaud », son idée est de limiter les pics de chaleur dans le sol pour augmenter les rendements. La recherche bibliographique a aussi mis à jour que la Corée et le Pérou font du « no-till potatoes » mais, ici, l’information technique est assez limitée.


7
mars
2016

Maïs : semis, levée et récolte

Le maïs est largement cultivé en France. Au siècle dernier, lorsque cette culture a été introduite, l’AGPM (Association Générale des Producteurs de Maïs) a jeté les bases de l’itinéraire technique : l’écartement des rangs est de 75 ou 80 cm, il faut labourer puis affiner le sol pour augmenter le contact sol-graine, semer avec un monograine, récolter avec un bec cueilleur et « un binage vaut deux arrosages ». Aujourd’hui, un grand nombre de maïsiculteurs travaille selon ces grandes lignes. Néanmoins, il y a des marges de manœuvre pour optimiser agronomiquement ou économiquement cette culture. Il est intéressant tout d’abord de s’intéresser à la levée du maïs et ses effets sur le rendement, puis de réfléchir à la récolte et aux différentes possibilités en termes d’équipements. Enfin, la réflexion se tournera vers le semis.

Homogénéité de la levée

Un élément clé de la culture de maïs est la levée. Traditionnellement, le semoir monograine est utilisé au semis. Il a la capacité de semer graine par graine. Par conséquent, avoir une répartition type « piquet-de-clôture » semble le principal élément pour réussir la culture. Mais est-ce que c’est vraiment le cas ? Différents essais et plusieurs experts du maïs semblent dire que non. Ils disent que c’est l’homogénéité de la levée qui est le facteur le plus important. Il y a plusieurs articles à lire dans ce domaine. Pionner a fait un bon résumé en anglais avec un grand nombre de références utiles pour ceux et celles qui veulent en savoir plus. Le semencier présente 4 grands éléments qui sont dans l’ordre :
1. L’uniformité dans la levée du maïs  : Une levée hétérogène coute entre 5 et 9% du rendement maximum. Il n’y a pas une définition universelle de l’uniformité ou de l’hétérogénéité mais Pionner donne des éléments de réflexion : (a) une levée en moins de 48 heures n’est pas une nécessité pour atteindre le rendement maximum et (b) selon les terroirs et les années, une levée uniforme est comprise entre 2 et 7 jours. En effet les températures qui suivent le semis et le potentiel de rendement du terroir ont un effet sur la notion d’uniformité de la levée du maïs. Pour rappel, le zéro de germination du maïs est aux alentours de 8°C et son zéro de végétation est environ 6°C. Néanmoins, il est important de mettre en avant que le principal levier pour assurer l’uniformité de la levée est une bonne mise en terre des graines. Cette dernière est fonction de la capacité de la machine et du bon réglage de l’utilisateur. Il faut donc s’assurer d’un bon environnement pour la graine et pour la plantule, ainsi qu’une profondeur de semis constante.
2. La période de semis : dans les grandes régions de maïs d’Amérique du Nord, il est conseillé de planter le maïs dans une période optimale de 2 semaines environ pour atteindre le rendement maximum. Au-delà, les pertes vont de 2 à 5 % du rendement maximum. Ce sont des moyennes et elles donnent une tendance. L’important ici est de retenir que la période de semis est le second facteur le plus important trouvé ici.
3. Semer la bonne dose  : se tromper sur la dose coute entre 1 et 2% du rendement maximum. Semer la bonne dose est assez trivial et demande juste de régler convenablement la machine. Néanmoins, c’est ici le troisième facteur le plus important.
4. Les doubles et les manquants  : Ces derniers coutent entre 1 et 2% du rendement. Ce sont les manques qui impactent surtout le rendement. Les doubles ont peu d’effet. Sur un semoir à maïs monograine, le réglage de la machine permet de limiter les doubles et les manques. Néanmoins, il est intéressant de voir que cet élément est le quatrième et dernier que les experts citent lorsqu’il est question de l’impact de la levée sur le rendement.

Pas de compromis sur l’environnement de la graine, chez nous

Ces résultats Nord-Américains sont obtenus sur des essais où le maïs pousse dans des conditions quasi-idéales, c’est à dire dans de bonnes terres avec peu de stress. Par conséquent, il y a deux questions pratiques : est-ce que ces valeurs sont valables dans des conditions moins idéales ? Et, est-ce que ces valeurs sont valables chez nous ? A priori, les valeurs moyennes peuvent changer avec les conditions mais la hiérarchie reste la même : l’uniformité de la levée est le facteur le plus important, en second, il y a la date de semis et se disputant les troisième et quatrième places, il y a la dose et les doubles-&-manques. Par conséquent, dans notre coin du monde, il n’y a pas de compromis acceptable sur l’environnement de la graine, de la plantule et la profondeur de semis. Et lorsque la météo est incertaine, il vaut mieux semer un peu plus vite pour emblaver au bon moment que de ralentir pour limiter les doubles-&-manquants.

La liberté du bec Kemper

La récolte est fonction de l’utilisation et le maïs en a deux principales : l’ensilage et le grain. En ensilage, la plante entière est récoltée et en grain, bien sûr, c’est le grain.
Depuis une quinzaine d’année, les ensileuses sont souvent équipées de bec rotatif (souvent appelé bec Kemper). Le grand avantage de ce bec est la liberté par rapport au semoir et au semis. En effet, de par sa conception, il est indépendant de l’opération de semis. Avec un bec rotatif, il est possible de récolter dans le sens du semis ou perpendiculairement à ce dernier ou dans m’importe quel sens. Et pour la même raison, il récolte derrière n’importe quel semoir. Il est indépendant de l’écartement des rangs. Ecartement de 75 cm, 80 cm ou semis à la volée : tout lui convient.

Cueilleurs à rangs serrés et coupe standard

En maïs grain, la majorité de la récolte se fait avec des becs cueilleurs à 75 cm ou à 80 cm. Néanmoins le paysage évolue et les alternatives se multiplient. Il y a deux nouvelles tendances : les cueilleurs à rangs serrés et la coupe standard. En matière de rangs serrés, il y a du choix chez les constructeurs. Par exemple : les cueilleurs autrichiens de Gerinhoff commencent à 45 cm, les Argentins de Maneiro offrent 5 interrangs différents de 35 à 70 cm, l’entreprise Illinoise Calmer Corn Heads a une gamme qui commence à 12 pouces d’interrang (soit environ 30 cm). Ce dernier est très intéressant car 12 pouces est un interrang standard pour les semoirs à blé Nord-Américains. Dans l’état du Dakota du Nord, il pleut en moyenne 400 mm par an. Les rendements sont par conséquent faibles et l’itinéraire technique est adapté : par exemple, le maïs est semé à 60 000 grains par hectare. Dans ce terroir semi-aride, les blés sont semés à 12 pouces d’interrang et l’intérêt d’un bec cueilleur à 12 pouces est de tout pouvoir semer avec un seul et même semoir. Dans la pratique, les agriculteurs qui optent pour ce choix technique ont un semoir volumétrique (ou semoir à blé) avec une très bonne mise en terre et sèment leur maïs avec cet unique semoir. Avec un semis à 30 cm, les pieds de maïs sont encore mieux répartis dans l’espace. Ils sont moins serrés, couvrent plus rapidement le sol face aux mauvaises herbes et utilisent mieux l’eau qui est ici le premier facteur limitant. Bien sûr, la distribution volumétrique d’un semoir à blé ne donne pas la même précision qu’un système monograine et, évidemment, le risque de « doublon » est augmenté. Mais dans la pratique, ça n’a pas l’air d’être un problème et, comme toujours en agriculture, c’est la pratique qui prend le dessus sur la théorie. Pour ces agriculteurs, ce choix permet de baisser les couts de production et les investissements sans perdre de rendement ou de débit de chantier.

A vos calculettes

En matière de récolte à la coupe standard, des agriculteurs français ont choisi de récolter leur maïs avec la « coupe-à-blé » car, lorsqu’ils prennent leurs calculettes, acheter un bec à maïs n’est pas rentable. En effet, il est techniquement possible de récolter le maïs de la même façon que le blé et, apparemment, ça se fait même plutôt bien. Philippe Auffret qui a plusieurs années d’expérience en la matière, y trouve même un certain nombre d’avantages techniques car, comme avec un bec rotatif pour l’ensilage, il peut récolter dans n’importe quel sens et s’en sert à son avantage quand c’est mouillé ou que la culture est versée. Au niveau économique, il est certain qu’avec la coupe standard, il y a plus de matières qui passent dans la machine, par conséquent cela va demander plus de travail et plus de carburant mais il y a une économie substantielle au niveau des investissements. Récolter le maïs à la coupe standard est donc techniquement possible et est économiquement plus avantageux pour un certain nombre d’exploitations. Par conséquent, la question se pose : à partir de quel moment la bec cueilleur devient-t-il rentable ? Est-ce que c’est à partir de 50 ha ? de 100 ha ? Malheureusement, comme toujours en matière de gestion, il y a une seule vraie réponse : « Mesdames, Messieurs, à vos calculettes ! ». Néanmoins, les barèmes d’entraides de plusieurs départements montrent un surcout pour l’utilisation des becs cueilleurs. Et, en prenant le cas d’une rotation blé-maïs, un rapide calcul montre qu’un bec cueilleur 6 rangs neuf ne se justifie qu’avec des surfaces en maïs à trois chiffres ou plus. Le calcul est donc à recommander.
Le maïs se sème à priori avec un semoir à maïs mais peut l’être aussi avec d’autres semoirs. Comme l’explique la section sur la levée, il est important en maïs de soigner l’environnement de la graine, de la plantule et la profondeur de semis. Historiquement, lorsque le maïs a été vulgarisé en France, le top des semoirs à blé était le Nodet mécanique avec distribution par cannelures et gravité et réglage de la force de terrage (mais pas de réglage de la profondeur). Ce semoir à blé n’était pas à la hauteur pour planter du maïs à la bonne dose et en garantissant la qualité de la mise en terre. Ceci est d’autant plus important avec des semences hybrides qui ont un coût non négligeable. Par conséquent le semoir à maïs était incontournable pour réussir les maïs.


Semis de maïs au semoir à blé

Semis au semoir à blé haut de gamme

Aujourd’hui, cependant, les semoirs à blé ce sont beaucoup améliorés autant au niveau des doseurs que de la mise en terre. Ils ont des distributions du type Accord ou équivalent qui permettent de maitriser avec précision la dose de semis. Ils ont des mises en terre avec réglage de la force de terrage et réglage de la profondeur de semis. Les éléments semeurs sont indépendants, parfois même montés sur parallélogramme et avec une force de terrage automatisée (tel que chez Dawn Equipment par exemple). Par conséquent, il est possible de réussir ses semis de maïs en utilisant un semoir à blé haut de gamme. Un tel semoir permet de placer la graine dans des conditions similaires à un semoir à maïs, de délivrer la dose exacte et d’emblaver rapidement de grandes surfaces. Il est vrai qu’un tel semoir ne peut pas remédier aux manques-&-doubles mais, en théorie, ce n’est pas le facteur le plus important et, en pratique (voir photo jointe), les rendements restent élevés et similaires à ceux des champs voisins. Semer son maïs au semoir volumétrique est donc une bonne opération agronomique à condition que ce dernier ait un doseur précis et une mise en terre régulière et efficace. Au point de vue économique, un semoir volumétrique haut de gamme de 3 mètres est un investissement supérieur à un semoir monograine 6 rangs et est souvent plus tirant. Néanmoins le semoir volumétrique est souvent utilisé sur une plus grande surface que le semoir à maïs, ce qui tend à réduire son coût à l’hectare. Par conséquent, le calcul de rentabilité se fait au cas par cas avec un certain nombre de paramètres à prendre en compte. Après avoir fait plusieurs simulations, il en ressort que les principales questions sont : Quel est le matériel déjà présent sur l’exploitation ? Quel est l’assolement et la rotation ? Quels sont les conséquences du semis au semoir volumétrique sur la culture de maïs ? Y-a-t-il du binage par exemple ? Et quels sont les gains sur les autres cultures que permet un semoir volumétrique haut de gamme ? Sera-t-il possible de localiser l’engrais en semis de printemps par exemple ?

Aujourd’hui, l’idée de semer du maïs avec un semoir à blé surprend et étonne. Néanmoins, il y a déjà un petit nombre d’agriculteurs qui le font, y compris en France et avec du matériel conçu et fabriqué en Europe. En effet, lorsqu’il est su que l’uniformité de la levée, la date de semis et la dose sont les 3 premiers facteurs de la levée qui influent sur le rendement, il n’y a pas à rougir à utiliser un semoir à blé haut de gamme pour du maïs. De plus, les semoirs à blé continuent d’évoluer, ils innovent plus que les semoirs à maïs et, par ailleurs, le contexte économique pousse à la réduction du parc matériel. C’est pourquoi, il est fort possible que les semis de maïs au semoir à blé se démocratisent.

Bonne mise en terre

Le maïs est une culture rémunératrice, surtout quand l’agronomie de la plante est maitrisée et qu’elle prend place dans une rotation. C’est une culture haute et à cycle court par conséquent, les principaux leviers d’action de l’agriculteur sont en début de cycle et, en particulier, à la levée. Le premier facteur d’une bonne levée est une levée homogène : tous les pieds doivent être sortis en moins d’une semaine de temps. Le second facteur est la date de semis. C’est pourquoi le semoir se doit d’avoir une bonne mise en terre pour que les graines germent en même temps et qu’ils émergent en même temps. Dans l’idéal, le semis se doit aussi de prendre place à la bonne période par rapport à l’indice de l’hybride et au terroir. Si le temps est incertain, il vaut mieux semer un peu plus vite que de ralentir pour limiter les doubles et les manques. Pour la récolte en ensilage, le bec rotatif est un formidable outil qui permet de récolter avec plus de flexibilité et de liberté. Pour la récolte en grain, le bec cueilleur permet un plus grand débit de chantier car la moissonneuse a moins de matière à battre et, par conséquent, roule plus vite. Néanmoins la récolte du maïs à la coupe standard est possible, simple et pratique et représente une solution économique. En effet le bec cueilleur représente un investissement pour un usage très spécifique et c’est pourquoi, tout bon gestionnaire calculera la rentabilité des deux scénarios avant de faire son choix.


23
février
2016

Agriculture de Conservation et Science Appliquée

Vue aérienne du site d'Oberacker, Suisse

Le monde de la science se compose de 2 groupes. D’un côté, il y a la science fondamentale qui est vue comme la science noble car elle demande une grande capacité d’abstraction. Et de l’autre, il y a la science appliquée qui est la science pratique : elle pourvoit des solutions à des problèmes identifiés. Dans le domaine des plantes, la biologie est la science fondamentale et l’agronomie est une des sciences appliquées.
L’agronomie est une science complexe et le sol l’est tout autant. En effet, l’agriculture et le sol ont un nombre quasi-infini de paramètres et de variations. A titre d’exemple, un gramme de sol vivant contient entre un million et dix millions d’êtres vivants répartis entre 10000 et 100000 espèces et il est impossible de s’imaginer toutes les situations de vie et les évènements qui se produisent avec tant d’êtres vivants Par conséquent, les sciences appliquées en Agriculture de Conservation des sols (AC) sont complexes et pour arriver à des solutions tangibles et pratiques, certains scientifiques sont très créatifs dans leur méthode de travail. Voici 3 exemples frappant en la matière.
Le premier exemple parle de protocole, de répétitions et d’études statistiques : la méthode d’Oberacker. Cette plateforme est une formidable réussite. Cette expérimentation apporte énormément d’informations viables et robustes en matière de système agricole, d’AC et d’agroécologie. Il y a un grand nombre de raisons à cette réussite et l’une d’entre elles est l’abandon de méthodes scientifiques traditionnelles. En effet, cette dernière demande une procédure bien établie dont l’écriture et le suivi d’un protocole strict, l’utilisation de répétitions (le florilège étant le carré latin) et la réalisation d’études statistiques sont des éléments récurrents. Oberacker a fait table rase de ces trois éléments. Oberacker n’a pas de protocole strict mais un protocole flexible pour s’adapter avec les observations et les connaissances. Oberacker n’a pas de répétition mais possède des mini-parcelles, soient des parcelles de plusieurs ares par opposition au micro-parcelles, qui ont souvent une surface comprise entre 1 et 10 mètres-carré. L’avantage des mini-parcelles est de réduire les coûts en utilisant des outils d’agriculteurs (semoir d’agriculteurs par exemple) et de faciliter l’observation car la surface est significative. De plus, il y a autant de mini-parcelles qu’il y a de cultures dans le système, cela permet de capitaliser le savoir en retrouvant chaque année la culture (ce n’est pas le cas de tous les essais à long terme). De plus, la présence de bandes enherbées permet de facilement se déplacer autour des parcelles et d’accueillir de grands groupes d’étudiants ou de visiteurs. Le 4 juin dernier, lors de la célébration des 20 ans, il y avait entre 400 et 500 personnes. Oberacker n’a pas d’études statistiques, c’est dû à l’absence de répétitions, c’est peut-être un peu dommage, cela peut poser problème auprès de certains scientifiques puristes de la probabilité. Mais cela s’explique bien : en premier lieu, le public visé par Oberacker sont les agriculteurs et les agronomes. Les puristes de la probabilité sont les bienvenus mais, pour profiter de la visite et du savoir, il leur faut accepter que l’on peut aussi bien apprendre avec des mini-parcelles qu’avec des répétitions de micro-parcelles. Oberacker peut être fier de ses résultats. Ce champ permet à toute une communauté d’évoluer et de gagner en performances agricoles, économiques et écologiques. Avec d’autres mots : Oberacker est un accélérateur d’agronomie.

Le deuxième exemple parle d’indépendance financière : Dakota Lakes Research Farm. Cette ferme expérimentale a été créée en 1983 et l’université de l’état du Sud Dakota (South Dakota State University en anglais) a rejoint la structure en 1990. De 1983 à 1990, le financement a été majoritairement assuré par la vente des produits. En effet, à la création de la ferme et pour les 7 premières années, le financement extérieur fut très limité et ne permettait pas de financer les recherches. Par conséquent, la ferme a été organisée de manière à s’autofinancer, c’est à dire que la vente des produits et leurs bénéfices financent la partie recherche. Cela requiert du talent et du courage, beaucoup de courage, et leur a permis d’être indépendants dans le programme de recherche et dans la réalisation des essais. L’esprit n’a pas changé malgré les années. Aujourd’hui encore, en parallèle du financement universitaire et public, la ferme produit et vend des cultures dans le but de financer sa recherche et d’être indépendant dans ses choix. Ils ont réussi. Les résultats de leurs essais ont marqué et continuent de marquer le monde de l’AC. Dakota Lakes Research Farm est moteur dans la réflexion sur les systèmes agroécologiques.

Le troisième exemple : tester et valider un outil dans tous les terroirs : l’Entreprise de Travaux Agricoles (ETA) de Massey University. L’université de Massey, en Nouvelle Zélande, a beaucoup travaillé sur les semoirs de semis direct et ses travaux ont débouché sur le Baker Boot, appelé soc Aitchison en France, et le Bio Blade, commercialisé sous le nom de Cross Slot. Pour arriver à ses fins, l’université a possédé une ETA de semis direct qui se déplaçait dans tout le pays. Pendant 10 ans, elle emblava environ 400 hectares par an. Pour expliquer la démarche, il faut expliquer qu’un semoir fonctionne très bien dans le terroir (ou les terroirs) dans lequel (lesquels) il a été développé, testé et validé mais, dans les autres terroirs, ses performances mécaniques et/ou biologiques restent à tester et ne sont pas garanties. Dans la pratique, parfois ça se passe bien et parfois ça se passe mal. Par exemple, un semoir développé dans des terres légères du Sud-Ouest sera très bon dans son terroir mais il est probable que les argilo-calcaires du Centre lui pose des problèmes. Ceci n’est qu’un exemple et l’inverse est également vrai : un semoir développé dans des terres fortes travaillera bien dans son terroir mais risque aussi d’avoir son lot de problèmes dans des terres légères. Une des solutions est de développer la technologie dans un grand nombre de terroirs variés et différents. C’est pourquoi l’université a monté une ETA de semis direct se déplaçant dans tout le pays. Dans la pratique, elle avait un tracteur, un semoir et un camion pour transporter le tout rapidement à travers les deux iles. La prestation de semis était facturée à un prix normal de semis. L’agriculteur était au courant que le semoir était un prototype et que les réglages pouvaient prendre un peu de temps mais en contrepartie, il recevait des conseils d’experts pour réussir sa culture (dans les années 80, le semis direct était une pratique nouvelle et recevoir un avis d’expert était un réel plus). L’université a donc testé et adapté la technologie jusqu’à satisfaction dans un grand nombre de terroirs. La conséquence est un semoir qui fonctionne bien à travers tout un pays long de 1600 km et bien connu pour la diversité de ses terroirs. L’ETA de Massey University fut un accélérateur d’agroéquipement.
Comme le montrent les 3 exemples ci-dessus, l’innovation en AC et en agroécologie passe par les sciences appliquées et les chercheurs qui s’investissent pour trouver des solutions. Le sol et l’agriculture étant tous deux des sciences complexes, il faut savoir sortir du cadre établi pour aller chercher et trouver des solutions qui fonctionnent.