Thierry Stokkermans

  • Plantule de radis en SDSC aux Pays-Bas
  • Vue aérienne du site d'Oberacker, Suisse
  • Résultat levée de tournesol sans engrais organique
  • Hairpinning
  • Maïs en agriculture de conservation des sols
13
janvier
2017

Le brouillard du sol et le semis direct

Pour germer et émerger, une graine a besoin d’humidité. Souvent, il est question d’eau liquide et de taux d’humidité du sol. Mais le taux d’hygrométrie a aussi un effet important sur la germination et la levée et prend toute son importance en semis direct (SD).
Cet article décrit le concept de « brouillard du sol » et ses bénéfices.
Le sol est composé de 4 fractions : la fraction organique, la fraction minérale, la fraction liquide et la fraction gazeuse. Il est possible de les mesurer par volume et par masse (figure 1).
Composition en volume d'un sol
La figure 1b montre un sol à 20% d’humidité qui est souvent présenté comme le taux d’humidité idéal pour semer. Ce taux d’humidité est calculé en déterminant la masse d’eau dans le sol. Au passage, il est possible de voir que la fraction gazeuse n’est pas prise en compte dans la pesée du sol car sa masse est insignifiante. Par contre, en volume, la fraction gazeuse représente une part importante du sol et est par conséquent bien représentée dans le graphique du volume (figure 1a).
La composition de la fraction gazeuse du sol est assez proche de celle de l’atmosphère. Il y a du diazote, du dioxyde de carbone, de l’oxygène et de la vapeur d’eau. Cette dernière varie en concentration de 0% à 100%. Une atmosphère saturée en vapeur d’eau est souvent représentée par le phénomène de brouillard. Par conséquent, il est possible de parler de brouillard du sol. Dans la pratique, l’hygrométrie relative du sol a toujours de petites variations, par conséquent, le brouillard du sol représente une hygrométrie du sol allant de 99 à 100%. Il faut retenir que l’eau a principalement 2 états dans le sol : liquide, mesuré avec le Taux d’Humidité (THum), et gazeux, mesuré avec le Taux d’Hygrométrie (THyg).
Il a été scientifiquement prouvé en laboratoire qu’une graine germe et émet une plantule dans une atmosphère à 100% d’hygrométrie relative. Dans la pratique, les agriculteurs l’ont observé lorsque plusieurs jours de brouillard consécutifs suivent un semis à la volée. Par exemple : à l’automne, un semis de couverts végétaux ou de céréales d’hiver à l’épandeur d’engrais qui germe et s’implante grâce à la vapeur d’eau de l’air.

Par conséquent, lorsque les graines sont dans le sol et que le sol génère un brouillard, elles utilisent aussi la vapeur d’eau pour s’hydrater et germer. Par conséquent, la question est : à quel moment y-a-t-il 100% de THyg dans le sol ? Sous quelles conditions se créent le “brouillard du sol” ?
Il faut différencier 2 situations : le sol couvert et le sol nu.

Le sol nu, et en particulier le sol travaillé, a beaucoup d’échanges gazeux avec l’atmosphère. L’air circule rapidement et il n’y a pas de zone tampon. Par conséquent, l’air dans le lit de semence a les mêmes propriétés que l’atmosphère extérieure. Par exemple, s’il fait chaud et sec, les pores du lit de semence sont parcourus par un air chaud et sec qui aura tendance à réchauffer et à assécher le lit de semence (voir figure 2).
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Autre exemple, si l’air est à saturation hydrique au lever du jour, la vapeur d’eau pénètrera le sol et le lit de semence aura un THyg de 100%. Le sol nu a la même atmosphère que l’air qu’il y a au-dessus du champ.
Un sol couvert est un sol avec un matelas de matière organique fraîche réparti de façon homogène sur le sol, tel qu’un chaume de céréales ou un couvert végétal roulé au sol (figure 3).
Hygrométrie dans un sol couvert
Le matelas de résidus sert à protéger le sol des aléas de l’atmosphère, y compris des variations d’hygrométrie. Par conséquent, un sol couvert a un THyg stable. De plus, le sol est un milieu naturellement humide. En milieu naturel, le sol a un THyg variant entre 99 et 100% (à l’exception d’un cas particulier décrit dans le paragraphe suivant). Ce brouillard du sol commence dès le premier centimètre et continue jusque dans la roche mère. Pour bien s’imaginer cette hygrométrie naturellement élevée, il est possible d’évoquer l’exemple des grottes et des souterrains où l’hygrométrie naturelle du (sous-)sol se ressent bien. Dans un sol couvert, la graine trouve dans l’atmosphère du sol toute l’eau nécessaire pour s’hydrater, germer et émerger.

L’exception à cette situation est le Point de Flétrissement Permanent (PFP). En effet, dans un sol, le taux d’hygrométrie de la fraction gazeuse est intimement lié à la fraction liquide et lorsque la Réserve Utile (RU) est vide, il n’y a plus d’eau disponible pour entretenir le “brouillard du sol” et il finit par disparaître. En France, il est possible de franchir le PFP à la saison chaude lorsque les besoins (évapotranspiration) sont forts et que les apports (pluies) sont faibles. C’est exactement au moment où la RU est vidée que le PFP est franchi.
En résumé, lorsque le « brouillard du sol » est présent, une graine peut décider de germer à n’importe quel moment et réussir son émergence tant qu’il y a un THyg suffisant. Et ceci, même si le THum est inférieur à 20% qui est le taux de référence pour effectuer un semis en sol travaillé (figure 4). Par contre si le PFP est franchi, le THyg du sol chute et les graines se mettent en dormance pour survivre (figure 5). Dans ce dernier cas, le THum est de 0% car la RU est vide.

  • Sol à 5 % d'humidité
  • Sol à 0% d'humidité

En se rapprochant du microenvironnement d’une graine semée et cultivée, il est possible de voir qu’une graine dans un sol travaillé respire la même atmosphère que l’air ambiant (figure 6) et qu’une graine dans un sol en agriculture de conservation peut aussi se retrouver à respirer l’air ambiant si le sillon n’est recouvert que de terre (figure 7). Au contraire, une graine dans un sol couvert de résidus semée avec un semoir capable de recouvrir la graine de sol au contact de la semence et de résidus au-dessus offrira une atmosphère à 100% d’hygrométrie (figure 8). Il y a ici “brouillard du sol”.

  • Semis dans un sol nu
  • Semis sans recouvrement de résidus
  • Semis recouvert de résidus

En SD, il est donc possible de semer avec le « brouillard du sol » ou sans ce dernier. En automne et en hiver, le temps est souvent humide en France et il y a souvent assez d’eau pour réussir un semis sans brouillard du sol. Par contre au printemps et en été, le temps est plus sec et l’eau peut être un facteur limitant pour réussir les semis. L’expérience montre que lorsque le sillon n’est pas recouvert de résidus (figure 7), les taux de germination peuvent être faibles (30% seulement dans certains cas) et les levées sont hétérogènes et décalées dans le temps. Alors que lorsque la graine baigne dans le brouillard du sol (figure 8), la germination et la levée sont homogènes. Par conséquent, il est judicieux de semer de manière à garder le brouillard du sol autour de la graine. Les semoirs ne sont pas égaux dans leur capacité à générer le brouillard du sol. C’est à l’agriculteur de choisir le bon semoir et de bien le régler.
Le brouillard du sol aide à la germination et à l’émergence des cultures. Ce sont des facteurs importants pour la réussite technique et économique du SD. Pour obtenir le brouillard du sol, les conditions sont simples, il faut couvrir le sillon d’une couche homogène et bien répartie de matières organiques fraîches tel qu’un chaume de céréales ou des résidus de couverts végétaux. Ces conditions s’obtiennent avec un semoir bien pensé et bien utilisé.

Des publications scientifiques pour aller plus loin :
• Scotter, D.R. (1976) Liquid and vapour phase transport in soil. Australian Journal of Soil Research 14, 33–41
• Choudhary, M.A. (1979) Interrelationships between performance of direct drilled seeds, soil micro-environment and drilling equipment. PhD thesis, Massey University Library, Auckland, New Zealand, 211 pp


23
décembre
2016

Tomates de plein champ en Agriculture de Conservation

La tomate est une culture très importante. En chiffre d’affaires, elle a atteint la barre des 55 milliards d’euros en 2012. Ce qui la place au quatrième rang juste derrière le soja et devant le maïs et la pomme de terre (source : global soil biodiversity atlas).
La tomate d’industrie pour la fabrication du ketchup, des sauces tomates, des soupes et la préparation des conserves se cultive en plein champ. La Californie, l’Ontario (Canada) et l’Italie sont des régions très dynamiques au niveau de la tomate industrielle. En France, il y a des cultures de tomates de conserve dans le Sud-Ouest.
Au vu de ces chiffres, il est normal que les réseaux d’Agriculture de Conservation (AC) s’intéressent à la tomate d’industrie. Au niveau agronomique, il semble que les plus avancés soient l’Université de Californie(UC) (article 1 et article 2). Au niveau pratique, des ACistes ont montré sur twitter de belles photos de tomates pour leur consommation personnelle. Néanmoins la tomate en AC reste une pratique minoritaire pour l’instant.
Grand consommateur de soupe de tomate en hiver, j’ai entrepris de faire quelques ares de tomate en AC. Pour cette première année, je me suis surtout posé la question de comment implanter la culture. J’ai lu que l’UC transplantait des jeunes plants de tomates et j’ai décidé de faire pareil. Mais je n’ai pas pu voir le détail de leurs transplanteuses. Du coup, j’ai décidé d’utiliser ce qui me semblait le plus approprié : une machine zip drill 1 rang créant un sillon en T-inversé (voir figure 1).
Figure 1
J’ai donc acheté la semence (variété Marmande), préparé mes plants, réglé mon transplanteur et planté mes plants. L’utilisation d’un T-inversé m’a permis de positionner la face inférieure du plot de terre à plat dans le fond du sillon (voir figure 2). Pour la profondeur de semis, j’ai fait coïncider la profondeur du sillon avec la hauteur du plot du transplant. Cela a permis de refermer facilement le sillon et, à priori, de permettre un enracinement rapide de la plante. Grâce à la technologie du T inversé, le plot du transplant avait un contact direct et propre avec le sol de la parcelle. Il n’y avait aucun “Hairpinning”.
Figure 2
En matière de fertilisation, le sol était relativement bien pourvu et il y a eu un apport de bouchons de fientes de poulet disposés en poquets à la surface du sol entre les plantes (figures 3 et 4).

  • Figure 3
  • Figure 4

Pour le désherbage, l’herbe en place a été dévitalisée au glyphosate suivi par 2 désherbages manuels en culture. Au niveau des maladies et des ravageurs, rien n’a été fait. En effet, la parcelle étant petite, loin du lieu d’habitation (une heure et quart de route) et destinée à l’autoconsommation, il n’y a pas eu d’action spécifique pour maintenir un haut niveau de productivité.
La culture a eu une pousse vigoureuse avec des feuilles d’un vert foncé bien prononcé (figure 5) et a réussi à finir son cycle avant le premier gel néerlandais.
Les Pays Bas sont un grand producteur de tomates mais uniquement dans les serres. La culture de la tomate industrielle est inexistante car la belle saison est trop courte pour la production de plein champ. D’une certaine façon, j’ai été chanceux d’avoir eu un été suffisamment chaud pour que mes tomates mûrissent (figure 6).

  • Figure 5
  • Figure 6

Vers la fin de la culture, j’ai eu un peu de pourriture molle. C’est le signe de la présence d’une bactérie. La bactérie s’est développée au contact du sol. C’est à dire que là où la tomate touchait les résidus du précédent, j’ai pu observer un peu de pourriture molle. Vu que la saison est courte, j’ai récolté mes tomates un peu vertes (figure 7) et, en fin de saison, j’ai laissé quelques tomates au champ et le gel a fait le reste (figure 8).

  • Figure 7
  • Figure 8

Au final, j’ai pu récolter suffisamment de tomates pour faire de la soupe, de la sauce tomate et du chutney de tomate et je pense recommencer l’année prochaine.
En réintégrant les travaux californiens et les expériences d’ACistes dans leur jardin, il est possible d’affirmer que la tomate en AC a passé l’épreuve de “faisabilité”. L’étape suivante est le développement d’un itinéraire technique approprié.
Au niveau de l’implantation, les plantules de tomates se sont bien plu dans cet environnement en T-inversé. La méthode sera reconduite l’an prochain et peut être améliorée avec de la fertilisation localisée dans le sol.
En élargissant le cadre au-delà de la tomate, une nouvelle réalité s’affirme : il est possible de transplanter des plants de cultures industrielles en Agriculture de Conservation. A plusieurs endroits dans le monde, le principe a été vérifié : réaliser avec la bonne technique, les transplants supportent bien le non-travail du sol (principalement avec du tabac mais attention fumer est dangereux pour la santé). Par conséquent, il est possible d’imaginer des cultures transplantées à plus grande échelle en Agriculture de Conservation. Le challenge est technique mais rémunérateur. Il est technique car il faut réapprendre ces cultures dans un nouveau contexte de sol et il faut développer les itinéraires culturaux adaptés. Il est rémunérateur car les cultures industrielles offrent des perspectives de revenu plus grandes que les cultures de céréales ou fourragères.
Et, qui sait, peut-être demain toutes nos cultures à base de plants seront possibles en AC !


7
novembre
2016

Souhaits et croyances parmi les scientifiques du sol

Levée de tournesol en SD
Au mois de mai dernier, lorsque le Global Soil Biodiversity Atlas (ou Atlas Global de la Biodiversité des Sols en français) est sorti et que j’ai appris que la protection de la biodiversité du sol pourrait faire l’objet d’une directive européenne, j’étais enthousiaste et j’ai téléchargé l’atlas le jour même. En le lisant, j’ai beaucoup appris sur la vie du sol mais, en même temps, j’ai eu beaucoup de doutes par rapport à leur approche de l’agriculture. En effet, dans ce document écrit par des scientifiques du sol (121 au total), j’ai relevé des erreurs, en particulier dans les pages traitant de l’agriculture et j’ai écris 67 questions pour les auteurs. Mais plus que tout, ces questions donnent une idée assez précise de : où se situent ces scientifiques du sol par rapport à l’agriculture ?

Premier élément : le mont ignorance. En effet, lorsqu’ils écrivent sur l’agriculture, certains scientifiques du sol sont clairement ignorants. Le glossaire de l’atlas en est une illustration. Par exemple, les auteurs ne savent pas la différence entre travail du sol et labour. C’est embarrassant et plutôt effrayant si ces mêmes personnes viennent à participer à un quelconque texte de loi.

Second élément : un bateau gruyère. Les auteurs traitent de l’impact des pratiques agricoles sur la biodiversité du sol. Mais la liste est courte. Il manque un grand nombre de pratiques. En peu de temps, j’ai trouvé une liste de pratiques qui aurait dû être traitée. Par exemple, il est vrai que le travail du sol est une menace pour la biodiversité du sol mais qu’en est-il de la gestion du trafic ou de la gestion de l’interculture ? Ceci montre que les auteurs manquent de connaissance agricole et, peut-être aussi, d’une vue d’ensemble de l’agriculture. Cette partie de l’atlas est pleine de trous. Si c’était un bateau, il coulerait !

Troisième élément : la tronçonneuse sans chaine. Lorsqu’on considère la biodiversité d’un sol cultivé, il est évident que l’état de la biodiversité dépend du système agricole en place. C’est l’ensemble des actions qui impacte la biodiversité du sol. Mais ce n’est pas une simple addition ou la loi du minimum par exemple. La pratique nous enseigne que c’est une équation complexe car il y a un grand nombre de facteurs. Par exemple, si l’agriculteur cultive un beau couvert et qu’il le broye pour ensuite l’enfouir en labourant à 25 cm, que reste-t-il au final de l’effet « couvert végétal » ? C’est pourquoi, lorsqu’il est question de biodiversité dans un sol cultivé, à un certain moment, il est nécessaire d’aborder la problématique système/gestion. Les auteurs ne l’ont pas fait. Par conséquent, c’est comme avoir une tronçonneuse sans chaine : ça fait du bruit mais ça ne coupe rien !

Quatrième élément : « pendons la sorcière ! ». L’atlas annonce que l’agriculture intensive est mauvaise pour la biodiversité du sol. C’est peut-être vrai … mais faut-il d’abord définir l’agriculture intensive. C’est quoi exactement l’agriculture intensive ? Est-ce que c’est cibler un rendement supérieur à la moyenne locale ? Est-ce que c’est avoir des connaissances techniques à jour et s’en servir ? Est-ce que c’est le fait de posséder un pulvérisateur ? L’atlas ne définit pas l’expression Agriculture Intensive. Par conséquent, il est aussi précis et rigoureux qu’une page Facebook moyenne ou une horde moyenâgeuse : « Pendons la sorcière ! C’est sûrement sa faute ! ».

Cinquième élément : le paradis rêvé. L’atlas évoque et parle à plusieurs reprises de l’Agriculture Biologique sans que ce soit justifié ou constructif. L’Agriculture Biologique est abordée dans des sections sans réelles logiques avec le contenu de ces dernières. C’est même parfois hors sujet et, à l’occasion, servi avec des annonces dignes d’un commercial douteux. En résumé, l’atlas dit : « Vivez bio ». Ma réponse est « le bio c’est bien, mais ne le survendez pas car vous y perdez votre crédibilité ». Par exemple, l’atlas annonce que le semis direct est une pratique régulière en Agriculture Biologique sans donner aucune valeur ou surface. Lorsque j’ai lu ces passages, j’ai eu la sensation que les auteurs exprimaient leurs souhaits et croyances. Et cela m’a mis mal à l’aise … car … ce sont des scientifiques qui écrivent un document scientifique.

Sixième et dernier élément : le syndrome de la terre plate. C’est une situation qui se produit lorsque différents éléments pointent vers la même réponse mais qu’il est effrayant d’en parler. L’atlas explique l’importance du semis direct, des rotations/diversité-des-cultures et de la couverture de sol. Entre les lignes, l’atlas dit « l’Agriculture de Conservation est bonne pour la biodiversité des sols ». Cependant, les auteurs semblent effrayés à l’idée de l’écrire. « La terre est … plate avec des bords un peu arrondis ».

En résumé et de façon caricaturale, il est possible de dire que nous avons ici un groupe de personnes au sommet du mont ignorance, dans un bateau gruyère propulsé par une tronçonneuse sans chaine, essayant d’atteindre un paradis rêvé et de quitter une terre plate pleine de sorcières. Ce n’est pas glorieux. Mais c’est bien là où en sont les auteurs de l’atlas lorsqu’il parlent d’agriculture.

Par ailleurs, j’ai appris beaucoup de choses dans cet atlas à propos du sol, de la vie du sol. Les chapitres parlant de la science du sol sont formidables. Je souhaite que les gens connaissent plus et mieux la vie du sol et son importance. De plus, je suis totalement d’accord que la biodiversité du sol a besoin d’être protégée mais il faudra intégrer la réalité du champ ainsi que les accomplissements des agriculteurs et des agronomes.


14
octobre
2016

Patate et Probiotie : une pierre de plus à l’édifice

La pomme de terre a de sérieux problèmes de ravageurs. Les principaux vivent dans le sol. Néanmoins ils ont tous des prédateurs naturels. Voici l’histoire d’un trio qui montre l’intérêt de la probiotie en pomme de terre. Ou, en d’autres mots : comment la vie du sol peut aider à la production de pomme de terre.

Pour commencer, un rapide rappel sur les notions d’Abiotie et de Probiotie en agriculture. L’Abiotie est l’idée de nettoyer toute la parcelle de vie à l’exception de la plante cultivée. C’est donc un champ labouré et désinfecté où la plante est seule dans un espace vide de vie. La Probiotie est l’idée de positionner la plante dans un espace plein de vie à la condition que la "vie associée" maintienne ou augmente les performances de la culture. L’objectif est que la "vie associée" occupe l’espace qu’un ravageur pourrait éventuellement prendre. L’exemple le plus connu de Probiotie est le colza associé. Un second exemple est l’arrêt du travail du sol pour favoriser les mycorhizes bénéfiques et leur association avec les racines. La Probiotie est l’un des outils de l’agroécologie.

Un trio intéressant de micro-organismes du sol est Rhizoctonia solani, Pseudomonas AD21 et Pedobacter V48. Le premier est un champignon pathogène de la pomme de terre. Et les deux dernières sont des bactéries vivant dans le sol et qui, ensemble, ont un effet fongique sur Rhizoctonia solani. En effet, lorsque les bactéries se rencontrent, elles travaillent ensemble pour limiter le développement du champignon. D’abord, il est intéressant d’observer les résultats et ensuite de les expliquer.
Développement R.solani en boites de Pétri
Dans la figure 1, il y a 8 boîtes de Petri toutes différentes et l’objectif est d’observer le développement de Rhizoctonia solani. Pour commencer, il y a 2 supports de culture différents. Les 4 du haut ont un support de culture différent des 4 du bas. Ensuite, de gauche à droite, les boîtes ont été ensemencées de différentes manières. Les deux de gauche ont seulement été ensemencées de Rhizoctonia solani. La deuxième colonne a été ensemencée de Rhizoctonia solani et de Pedobacter V48 (voir les 4 taches entre les deux traits rouges). Dans la troisième, les chercheurs ont placé des souches de Rhizoctonia solani et de Pseudomonas AD21 (ces derniers également placés entre les deux traits rouges). Et complètement à droite, ils ont combiné les trois êtres vivants en suivant toujours le même protocole.
Dans ces essais, Rhizoctonia solani s’est bien développé partout sauf dans les 2 boîtes de droite où il est resté cantonné au-dessus du trait rouge supérieur. En effet, en observant les 4 boîtes du haut, il est possible de voir les différences de développement du champignon dans un même substrat de culture. La boîte la plus à gauche est le témoin. Il montre la capacité de développement du champignon dans ce substrat de culture. Dans les 2 boîtes du milieu, le développement de Rhizoctonia solani est équivalent au témoin. La présence isolée de Pedobacter V48 ou de Pseudomonas AD21 ne pose aucun problème au champignon. Par contre dans la boîte de droite, la présence des 2 bactéries a significativement réduit le développement du champignon. Les mêmes observations et résultats valent pour les 4 boîtes du bas.
Attaque de R. solani par 2 bactéries
Observer un tel phénomène est intéressant mais le comprendre permet de l’utiliser/le favoriser dans la pratique. La figure 2 illustre le phénomène. En effet, Pseudomonas AD21 est capable de détecter la présence de Rhizoctonia solani et de communiquer mais pas de l’attaquer. Par contre Pedobacter V48 ne « voit » pas Rhizoctonia solani mais « écoute » Pseudomonas AD21 et, suite à ces messages d’alertes, émet des composés volatiles fongiques très efficaces contre Rhizocotnia solani.
L’explication n’est pas complète car il manque le leitmotiv des deux bactéries. En effet, les scientifiques ne savent pas pourquoi les bactéries attaquent le champignon. Il y a différentes hypothèses mais il faut encore les vérifier.
Dans la pratique, il est intéressant de stimuler un tel mécanisme à grande échelle pour pouvoir l’appliquer aux cultures. Aujourd’hui, il y a une seule méthode pour assurer l’effet fongique désiré : stimuler ces bactéries dans le sol directement. En effet, ces bactéries ne s’achètent pas mais elles sont présentes dans le sol. Si l’agriculteur stimule les bactéries, il risque d’avoir l’effet désiré.
Mais comment faire ? L’idée est d’avoir des bactéries en nombre suffisant et en bonne santé. Il faut donc les stimuler. Et, aujourd’hui, il y a une seule méthode : stimuler la vie du sol en général : couverts végétaux, réduction du travail du sol, plantes associées, …

En toute honnêteté, personne ne sait quelle technique est la plus appropriée. Personne ne sait s’il vaut mieux réduire le travail du sol ou semer des plantes compagnes pour arriver au résultat voulu. Il faut essayer, observer et apprendre.
La probiotie permet de lutter contre le Rhizoctonia en pomme de terre même s’il nous faut découvrir la meilleure méthode. En portant le regard plus loin, il ressort que la probiotie a d’autres qualités que la simple lutte contre le Rhizoctonia et, selon les frères Rockey, patatiers aux Etats-Unis, elle permet de lutter contre un certain nombre d’autres ravageurs également. Enfin, un jeu de mot pour conclure : si les patatiers se mettent à stimuler la vie du sol, on ne mangera plus de pomme-de-terre mais … des pomme-de-sol.

Bonne vie du sol à tous.


14
septembre
2016

Produits améliorant le sol : résultats négatifs aux Pays Bas

Aux Pays Bas, pendant 6 ans, sur 5 sites différents, l’université de Wageningen et l’institut de gestion des nutriments ont testé 12 produits différents dits “améliorant le sol”. Ils ont mesuré les rendements et l’évolution du sol. Les résultats sont non-significatifs sur la période. Les chercheurs concluent que ces produits n’apportent pas de gain à l’agriculteur.

Aux Pays Bas, les sols agricoles se détériorent. Les agriculteurs cherchent des solutions. Les produits dits “améliorant le sol” permettraient de remédier au problème sans changer quoi que ce soit au système en place. Ces produits sont de différentes natures, ont des effets et des modes de fonctionnement différents. Certains ont pour but d’améliorer la structure, d’autres la biologie du sol.
Les essais ont pris place dans des systèmes qu’il est possible de qualifier de typique aux Pays Bas : agriculture intensive avec des cultures à fortes valeurs ajoutées et des apports d’effluents d’élevage réguliers. Les 5 sites ont des textures de sol différentes, 3 sont argileux et 2 sont sableux. Ces sites sont répartis sur tout le territoire du pays. Les essais ont été menés sur des parcelles en grandes cultures. Les cultures de vente dans les essais étaient blé tendre d’hiver, blé tendre de printemps, plants de pommes de terre, oignon, betterave sucrière, orge de printemps, maïs ensilage et pois de conserve. Les parcelles sont labourées.
Les essais ont pris place de 2010 à 2015. Le sol a été analysé à trois reprises 2010, 2012 et 2015 et les rendements ont été pris en compte dans les résultats. Les produits testés et leurs doses respectives sont présentés dans le tableau ci-joint.

Tableau des produits "améliorant" du sol testés aux Pays-Bas

Selon les années et les cultures, il y a eu des différences significatives. Parfois le produit améliorant produisait un gain et parfois il produisait une perte. Au final, sur la période de 6 ans, il n’y a pas de gains significatifs. Aucun de ces produits n’a produit significativement plus que le traitement “lisier de cochon”. Et les analyses de sol n’ont montré aucune évolution significative. Par conséquent, il n’y a pas de gain pour l’agriculteur à court et moyen terme. Néanmoins les chercheurs ajoutent qu’ici, 6 ans est probablement trop peu pour observer une évolution de sol car les analyses de sol des trois références (lisier de cochon, témoin zéro et déchet vert) donnent des résultats similaires.
Dans leur rapport, les chercheurs insistent également sur l’importance d’apporter suffisamment de matière organique et d’éviter la compaction des sols pour maintenir un sol en l’état, voire pour le faire évoluer de façon positive.
A titre personnel, ces conclusions me confortent dans l’idée que : la fertilité ne s’achète pas, elle se construit. En effet, si un agriculteur veut améliorer son sol, sa meilleure chance de réussite est de pousser ce sol à s’améliorer de lui-même, à le stimuler de l’intérieur. En effet, il y a dans le sol tous les ingénieurs et travailleurs, tel que les vers de terre et les mycorhizes, pour l’améliorer et gagner en fertilité. La vie du sol est tellement riche et puissante qu’à ce jour, il n’est pas possible de la substituer par un quelconque stimulant en bidon ou en vrac. La vie du sol est la clé de voute de l’autofertilité des sols. Elle génère des systèmes agricoles robustes et augmente la rentabilité des exploitations agricoles et, par conséquent, le résultat net à la fin de l’année.
Pour aller plus loin (en néerlandais) : une présentation des essaiset le rapport complet.


29
août
2016

Gestion du pâturage : les clôtures deviennent virtuelles

En Agriculture de Conservation, et d’autant plus cette année, se pose la question du pâturage des couverts. Les essais ont montré que le pâturage des couverts est une bonne opération pour le bétail et pour le sol. Le pâturage tournant donne les meilleurs résultats mais, dans la pratique, cela peut être complexe à mettre en place. En effet, pour organiser le pâturage tournant, il faut poser des clôtures. Et les clôtures en fil de fer ou les filets électriques sont souvent un casse tête à gérer et peuvent se révéler extrêmement chronophages.
Pâturage avec clôtures virtuelles
Heureusement il y a une alternative aux clôtures physiques : les clôtures virtuelles. Dans la pratique, c’est un collier électronique qui permet de maintenir l’animal dans un périmètre défini par l’agriculteur.
La technologie est en phase de validation en Australie. Il y a, à ma connaissance, 2 entreprises développant chacune leur produit : Agersens en Australie et Aguila en France. La technologie a d’abord été conçu pour gérer les troupeaux d’ovins et de bovins dans les grands espaces (alpage en France et steppe en Australie). Néanmoins, cette technologie devrait pouvoir s’utiliser en AC, surtout pour découper une grande parcelle en plusieurs petites pâtures virtuelles. Par exemple, un champ de 25 ha peut être découpé en 25 pâtures virtuelles de 1 ha chacune. Ce nouvel outil peut être la bonne solution pour mettre en place du pâturage tournant sans avoir les inconvénients des clôtures physique à déplacer.