Thierry Stokkermans

  • Plantule de radis en SDSC aux Pays-Bas
  • Vue aérienne du site d'Oberacker, Suisse
  • Résultat levée de tournesol sans engrais organique
  • Hairpinning
  • Maïs en agriculture de conservation des sols
26
janvier
2018

La sursaturation de l’air est-elle possible dans le sol ?

Je regarde régulièrement et avec grand plaisir les vidéos de vulgarisation scientifique de David Louapre. Sa dernière vidéo est sur la formation des nuages. C’est un thème intéressant et surtout très important pour l’agriculture. Il y explique les processus qui se passent dans l’atmosphère et, sachant que le sol possède sa propre atmosphère », je me demande si ces phénomènes se produisent aussi dans le sol et leur effet sur la vie du sol.
En effet, l’immense majorité des êtres vivants du sol dépendent de l’eau du sol pour vivre. C’est pourquoi il est possible de dire que la vie du sol dépend en grande partie des cycles de l’eau à l’intérieur de ce dernier. J’avais déjà écrit un billet sur le brouillard du sol et son importance pour la germination en période sèche.
Atmosphere du solSuite au visionnage de la dernière vidéo de David Louapre, je me demande si, dans la fraction gazeuse du sol, il est possible de trouver de l’air en sursaturation hydrique ? Si l’effet Kelvin a un effet sur la distribution de l’eau dans le sol ? Et est-ce que ces phénomènes aident à maintenir le niveau d’hydratation des microorganismes du sol qui s’aventurent dans les macropores du sol où l’eau liquide est plus rare ? Autant de questions qui méritent réponses et autant de savoir qu’il nous faut encore construire pour bien comprendre le sol.


20
novembre
2017

Mon soutien au renouvellement de l’autorisation du glyphosate dans l’Union Européenne

Au sein de l’Union Européenne, le renouvellement de l’autorisation du glyphosate est à l’ordre du jour. Ce qui aurait dû être un simple processus scientifique est devenu un enjeu politique. La situation est compliquée car le produit est sur le point de se faire interdire. Il est fort probable que la Commission Européenne ait à décider du sort du produit le 14 décembre au soir. Pour ma part, je soutiens le renouvellement du glyphosate.

L’Union Européenne (EU) est en train de décider du renouvellement de l’autorisation du glyphosate. La Commission Européenne (CE) peut décider du renouvellement d’un produit. Mais dans le cas du glyphosate, les commissaires ont senti une certaine pression politique et ont décidé de laisser le choix aux pays membres en transférant le dossier au PAFF (the standing committee on Plants, Animals, Food and Feed). La CE a clairement exprimé sa confiance dans les conclusions des autorités d’évaluation européennes et son soutien au renouvellement de l’autorisation.

Mais le processus de renouvellement s’est transformé en chasse aux sorcières. Certains militants écologistes proclament que l’herbicide engendre toutes sortes de pollutions et de maladies. Ils accusent sans véritables preuves scientifiques. Néanmoins, les accusations sont un superbe carburant pour la presse et les médias. Ces derniers (et particulièrement en France) diffusent les accusations et mettent en scène une version moderne de David contre Goliath et proclament un nouveau scandale de l’amiante. Le grand public se nourrit des médias et, grâce à une couverture intense du sujet et les répétitions incessantes, a finit par croire que ses accusations sont des faits établis et prouvés. Ceci a transformé la question du renouvellement en une situation de conflit : d’un côté, la science qui déclare le produit sûr et, de l’autre côté, le grand public qui croit qu’il ne l’est pas.
Certains disent que le glyphosate est protégé par Monsanto qui aurait une armée de lobbyistes à ses ordres. Dans les faits, Monsanto n’a que 2 lobbyistes à la CE (figure 1) alors que les ONGs militantes en ont des dizaines.

JPEG - 117.1 koDeux sessions consécutives du PAFF ont échoué à renouveler l’autorisation du glyphosate. Le dossier a maintenant été transmis au comité d’appel qui, je pense, va échouer à son tour. Je crois que la proposition de renouvellement ne va pas atteindre la majorité qualifiée. Cela nous projette dans la situation où la CE récupèrera le dossier et aura à prendre une décision dans la première moitié de décembre.
Je pense que la position de la CE n’est pas facile. Ce n’est pas une décision facile à prendre. Elle a exprimé être en faveur du renouvellement. Cependant, les états membres n’ont pas validé la proposition initiale et les militants anti-glyphosate ont réalisé une campagne de lobbying très efficace. C’est pourquoi, il va être difficile pour la CE de maintenir sa position initiale et de renouveler l’autorisation du glyphosate. Je crois qu’ils ont besoin de soutien afin de rassembler suffisamment de courage politique pour mettre la science et le rationalisme en avant.

J’ai écrit une lettre à monsieur Vytenis Andriukaitis que j’ai envoyée par la poste. Je l’ai déjà posté pour être sûr qu’elle soit arrivée début décembre. Je pense que tout va s’accélérer très vite dans les 4 prochaines semaines. C’est pourquoi, j’ai décidé d’être en avance pour être à l’heure.
Ceux qui lise régulièrement mes billets savent que je me concentre sur les problèmes de sol et d’Agriculture de Conservation. Alors … quel est le lien entre Agriculture de Conservation et glyphosate ? Il y a 3 liens :

  • Le glyphosate est un outil clé pour terminer un couvert végétal et commencer une nouvelle culture. En effet, lorsqu’une nouvelle culture est semée dans un couvert, il est important de bien gérer le couvert. Ici, le glyphosate est un outil efficace et, dans de nombreux cas, n’a pas d’alternative mécanique.
  • Le glyphosate est un outil important pour gérer les adventices. L’Agriculture de Conservation s’appuie sur la rotation des cultures, les couverts végétaux, la biodiversité, le semis direct et la vie du sol pour gérer les mauvaises herbes. Cependant, ces 5 outils principaux ne sont pas toujours suffisants pour contrôler les adventices. Cela signifie qu’il faut prévoir un désherbage. Ce dernier est souvent une intervention au pulvérisateur. Je pense qu’il est important de maintenir toutes les substances sûres sur la liste des produits autorisés. Cela permet à l’agriculteur de choisir le meilleur outil pour une stratégie de désherbage au cas par cas.
  • L’Agriculture de Conservation est l’agriculture « avec ». Cela veut dire que c’est une agriculture avec vie du sol, avec résidus, avec biodiversité, une agriculture avec du savoir, avec de la science, avec du pragmatisme et du rationalisme, une agriculture avec des réseaux, une agriculture avec des essais et des erreurs, une agriculture avec une vision du futur, une agriculture avec des objectifs, une agriculture avec la vie … l’Agriculture de Conservation est « l’agriculture avec » et non « l’agriculture sans ».

19
octobre
2017

Solynta : des solutions pour la patate en AC ?

La patate en Agriculture de Conservation est un challenge ouvert : qui sera le premier à faire une patate qui respecte le sol ? Comment le fera-t-il ?
Notre tubercule préféré est agressif sur le sol et avec les méthodes de culture traditionnelles, les agriculteurs se retrouvent souvent avec un sol détérioré après la culture de la pomme de terre. La gestion du sol et l’itinéraire technique sont les deux leviers sur lesquels jouer pour faire une patate en Agriculture de Conservation (AC). L’entreprise Solynta aux Pays Bas s’est spécialisée dans la graine de pomme de terre. Ceci ouvre de nouveaux horizons car une culture de pomme de terre peut aujourd’hui commencer avec un sac de semences.
Il y a deux différentes manières d’utiliser cette semence. Soit on plante la graine dans le sol, au sommet de la butte (figure 1).
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Soit on sème la graine dans des bacs en serre et on transplante la plantule au sommet de la butte quelques jours plus tard (figure 2).

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Pour l’instant, l’entreprise a surtout travaillé sur le second scénario. Dans cette vidéo, ils transplantent des plantules dans un champ travaillé mécaniquement. Selon les itinéraires techniques, les moyens disponibles et le potentiel de rendement, il est aussi possible de semer les graines en pleine terre.
Il y a donc bien 3 façons différentes de démarrer une culture de patate (tubercule, graine et plantule). Ceci est un avantage pour réussir la patate en AC. En effet, il est fort possible que les nouvelles alternatives permettent de déverrouiller des problèmes techniques. Par exemple, si la patate met du temps à démarrer au printemps, il est fort possible que la plantule permette de gagner un temps précieux et de la productivité.
Néanmoins il faudra un peu de patience pour utiliser les graines à grande échelle. Solynta a prévu de vendre ses premiers sacs en 2020.


27
septembre
2017

Apport de lisier dans les prés néerlandais : des pistes d’amélioration ?

Lisier à la surface du sol

Le lisier est un engrais organique qui peut émettre de l’ammoniac et du protoxyde d’azote. La méthode ancestrale pour un apport de lisier est de l’épandre en surface (figure 1) mais la science a mis en évidence que cette pratique émet de l’ammoniac. C’est pourquoi, il y a environ 25 ans, les autorités néerlandaises ont décidé de légiférer.
Aujourd’hui, dans les prés néerlandais, la majorité du lisier est injecté dans les premiers centimètres de sol car cela réduit largement les émissions d’ammoniac (figure 2).
Cependant, le fait d’injecter le lisier superficiellement a des conséquences négatives sur la vie du sol. Les éleveurs néerlandais pensent à leur sol et certains remettent en cause les textes légiférant les apports de lisier car ils impactent la vie du sol, ses effets positifs sur l’environnement et la productivité des pâturages. Ces agriculteurs voudraient que les règles changent pour pouvoir épandre en surface de nouveau.

Lisier et injection superficielle

A la lecture des rapports de l’université de Wageningen sur le sujet, il ressort qu’une solution n’a pas été étudiée : injecter le lisier entre 10 et 30 cm avec un outil à faible perturbation du sol (figure 3).

Lisier injecté en profondeur

Cela consiste à placer le lisier plus profondément dans le sol en utilisant un injecteur qui perturbe très peu le sol. D’une part, la profondeur de 10 à 30 cm permet d’épargner la vie du sol dans l’horizon de surface là où elle est la plus active et, d’autre part, l’injecteur à faible perturbation de sol épargne les plantes fourragères ce qui permet de maintenir la production au niveau actuel. Il est probable que cette solution ne fut pas étudiée à l’époque car la technologie n’était pas disponible pour les agriculteurs. Cependant, la technologie existe aujourd’hui à l’état de prototype et pourrait être commercialisée. La figure 4 montre que la technique respecte la plante et sa croissance. Aucune chute de rendement n’a été observée. Le lisier est placé près des racines et est facilement disponible (figure 5). La dose était de 44m3/ha.

Photo sillon avec injection profonde de lisier

L’injection de lisier à plus grande profondeur et avec une technologie de faible perturbation du sol semble permettre de :
- Réduire ou éliminer les émissions d’ammoniac.
- Réduire ou éliminer les émissions de protoxyde d’azote.
- Protéger la vie du sol dans l’horizon de surface là où elle est la plus importante et la plus intense.
- Maintenir la productivité et le rendement au niveau actuel.
Cependant, ces hypothèses n’ont pas encore été vérifiées par un organisme indépendant tel que l’université de Wageningen. Néanmoins, les premiers essais montrent que l’injection en profondeur avec faible perturbation du sol semble être une solution puissante pour maintenir des niveaux faibles d’émissions d’ammoniac et de protéger la vie du sol dans les premiers centimètres.

Photo intérieur sillon avec injection profonde lisier


28
août
2017

Que doit faire un élément semeur en semis direct pour maximiser le rendement ? Une liste des fonctions critiques

Le démarrage d’une culture a un effet sur son rendement et tous les cultivateurs en Agriculture de Conservation (AC) veulent un semoir qui maximise le rendement. Cependant, il n’est pas toujours clair quelle machine est un investissement fiable et efficace ou quelle technologie/conception est la meilleure pour le boulot. Je suis en train d’écrire une série de trois articles sur le sujet. Dans ce premier article, je présente une liste des fonctions critiques qu’un élément semeur devrait réaliser avec succès.

Depuis les années 1960 et l’apparition du semis direct moderne, les agronomes de l’AC ont utilisé différentes méthodes pour évaluer les semoirs et les éléments semeurs. Baker (2009) a évalué plusieurs éléments semeurs utilisés en Australie et sa méthode peut être utilisée dans un grand nombre de systèmes en AC. De plus, les 4 éléments clés du semis direct (gestion des résidus, meilleur environnement pour la semence et la plante, localisation efficace et sécurisé de l’engrais et profondeur de semis régulière) sont aujourd’hui bien acceptés et beaucoup d’agriculteurs ont pour objectif de les atteindre.

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Comme toujours, le diable est dans les détails et cette liste des fonctions critiques (tableau 1) explore les 4 éléments clés pour en révéler les détails. Le tableau présente aussi les détails faisant l’efficacité et la rentabilité de l’élément semeur. En considérant les besoins biologiques de la graine/plante et des différentes exploitations et terroirs que je connais, j’ai trouvé 42 fonctions critiques. C’est pourquoi certaines fonctions sont incontournables dans n’importe quelle ferme (par exemple : créer un contact-sol-graine propre). Et certaines fonctions sont liées au type d’exploitation (par exemple : être capable de semer à 40-50 mm de profond) ou au terroir (par exemple : être capable de semer en sols caillouteux). Ces dernières ne sont pas incontournables et elles peuvent être ignorées/supprimées lorsqu’elles sont inutiles. Si vous allez évaluer un élément semeur dans une région ou une ferme en particulier, n’hésitez pas à supprimer de la liste les fonctions inutiles.
Un agriculteur connaissant bien les techniques de l’AC remarquera que certaines fonctions sont très proches mais néanmoins différentes. Par exemple, les fonctions 2 (laisser les résidus en place pour maximiser la vie du sol) et 6 (créer les conditions du brouillard-du-sol autour de la graine pour optimiser le taux de germination) sont liées car la présence de résidus au dessus du sillon est nécessaire pour créer les conditions du brouillard-du-sol mais elles sont différentes car la première fait partie de la « Gestion des résidus » et cherche à maximiser la vie du sol alors que la seconde fait partie du « Meilleur environnement pour la semence et la plante » et cherche à obtenir un taux de germination élevé.
Les agriculteurs en AC veulent des cultures fortes et saines. Réussir l’opération de semis est une étape critique. Le semis direct est une opération qui se résume à un seul passage de machine et le tableau 1 montre qu’un élément semeur doit réaliser un grand nombre d’opérations en une fraction de seconde. Bien comprendre ces fonctions critiques aide l’agriculteur à réussir le démarrage de ses cultures en AC et à maximiser ses chances de rendement élevé et de revenu déplafonné.

Références :
Baker, C.J. (2009) Discs or tines ? Pros and cons and some new technologies, lu le 4 aout 2017 sur http://www.crossslot.com/images/custom/aussie-papers-10-discs-or-tines-victoria.pdf


11
juillet
2017

La circulation de la sève et le semis direct

Se pourrait-il que la circulation de la sève influe sur le rendement en semis direct ? Il n’y a pas de publications scientifiques à ce sujet mais il y a de fortes chances que les deux paramètres soient liés. Dans ce billet, je vais vous expliquer comment je vois le lien entre semis direct et circulation de la sève.
La sève est le vecteur de transport à l’intérieur de la plante. Pour faire simple, la sève est à la plante ce que le sang est à l’homme. Par exemple, elle transporte des nutriments et l’eau depuis les racines vers les parties aériennes de la plante (feuille, tige, fleur, …) et, inversement, elle transporte les sucres produits par la photosynthèse vers les racines. La sève est donc un élément essentiel de la plante.
Malheureusement, la circulation de la sève n’est pas toujours un parcours de santé.

L’autoroute de la sève

En effet, la structure de la plupart des plantes fait que la sève rencontre une zone de passage obligé. En effet, il y a une zone de circulation très dense de la sève qui se situe dans le bas de la tige (également appelé hypocotyle) et le haut des racines en passant par le collet (figure 1). Toute la sève qui monte doit transiter dans cette zone et toute la sève qui descend doit y passer aussi. Cette zone possède la plus grande capacité vasculaire de la plante (capacité à faire circuler la sève) et peut être surnommé « l’autoroute de la sève ». Par conséquent, il est logique de penser que si la circulation de la sève est contrariée à ce niveau-là, il y aura un effet négatif sur le rendement.
Au niveau de la partie aérienne, l’air n’oppose pas de réelles résistances pour la croissance de la tige (figure 2) ; la circulation de la sève y est rarement contrariée. Mais dans le sol, l’environnement est différent et la circulation de la sève peut être fonction de la qualité de ce dernier. S’il est bien structuré, la plante pourra créer un réseau de racines dense et puissant (figure 2). A l’opposé, s’il est mal structuré, la plante va peiner à créer les racines principales et le collet (figure 3). Par conséquent, cela va impacter la circulation de la sève et, à priori, le rendement. Dans ce dernier cas, l’autoroute de la sève va se transformer en goulot d’étranglement.
Une mauvaise structure impactant le réseau racinaire est souvent un problème de compaction. Ce n’est pas le seul problème de structure mais c’est le plus fréquent. Pour garder ce post court et digeste, je ne vais évoquer que la compaction.

  • Transit de la sève dans une plante
  • Autoroute de la sève dans un sol bien structuré
  • Goulot d'étranglement de la sève dans un sol mal (...)
  • Semis à double disque avec force de terrage excessive
  • Cas de la racine coudée
  • Cas des racines étouffées
  • Circulation de l'oxygène autour du sillon dans 4 (...)

Pneumatiques et éléments semeurs

En semis direct, la compaction peut avoir deux origines : (i) les pneumatiques et (ii) l’élément semeur. La compaction par le passage des roues/chenilles est un problème bien connu et qui impacte l’enracinement dans sa globalité. Les stratégies pour y remédier sont diverses tel le Controlled Traffic Farming (CTF) ou la diminution de la pression au sol. Un certain nombre d’agronomes ont déjà traité le problème et les solutions. Par conséquent, je ne vais pas approfondir le sujet.
La compaction générée par l’élément semeur est aussi connue mais moins bien documentée. Voici un exemple pour illustrer le phénomène : un semoir à double disque avec une force de terrage excessive (figure 4). Cette représentation d’un semis montre comment la zone autour de la graine est compactée. Cette compaction peut impacter le développement de la plante de 2 manières différentes : (a) « racine coudée » et (b) « racines étouffées ».

Racines coudées et racines étouffées

La « racine coudée » (figure 5) apparait lorsque la racine a du mal à sortir du sillon. En effet, la coiffe a des difficultés à traverser les bords du sillon compacté et la racine va pousser dans le sillon jusqu’à trouver une aspérité/pore dans laquelle elle pourra plonger. Le résultat est une racine horizontale qui allonge inutilement la zone critique de circulation de la sève. Le circuit de la sève est donc plus long, le transit prend plus de temps et d’énergie. Malheureusement, cela ne profite pas à la plante. C’est donc une perte de temps et d’énergie. La plante est moins efficace et ceci va, à priori, impacter négativement le rendement.
Les « racines étouffées » (figure 6) apparaissent lorsque la compaction de l’élément semeur est telle que les pores sont réduits en taille et en nombre. Ceci a 2 conséquences :
1. Des pores de petites tailles dans un sol compacté où les racines sont à l’étroit. En effet, la coiffe racinaire va pouvoir rentrer dans un petit pore mais, lorsque la racine va vouloir grossir en diamètre, le sol compacté va s’opposer à cette croissance et les racines vont rester fines et seront à l’étroit. Ceci va impacter le flux de la sève. Ce dernier sera ralenti.
2. Peu d’oxygène disponible pour les racines. Une racine respire. Elle utilise de l’oxygène pour bruler les sucres et obtenir l’énergie nécessaire à son bon fonctionnement. Les racines absorbent l’oxygène du sol et y rejettent du dioxyde de carbone. Lorsque le sol est bien structuré, cette opération se fait facilement. Mais dans un sol compacté, cette opération peut être difficile (Stępniewski, 2002). Elle va demander des efforts supplémentaires de la part de la plante et impacter les performances de façon globale. Ce manque d’air risque d’impacter négativement le flux de la sève. Elle circulera moins rapidement et moins facilement.
La compaction du sillon impacte la plante et ses performances. Par exemple, il semble logique de dire que la compaction du sillon joue sur la capacité d’une plante à résister au stress hydrique et à l’échaudage. En effet, lorsque la sève circule bien, la plante aura plus de facilité à approvisionner les parties aériennes avec l’eau nécessaire. Avec d’autres mots : l’autoroute de la sève fonctionne bien. Et à l’opposé, si le flux de sève passe mal, la quantité d’eau que les racines envoient aux feuilles sera limitée et la plante en pâtira. Dans ce dernier cas, l’autoroute de la sève se transforme en goulot d’étranglement.
La compaction du sillon peut affecter toutes les cultures. Néanmoins, les cultures à cycle court y sont plus sensibles car le sol a moins le temps de se reconstruire. Par exemple, maïs, soja et orge de printemps n’ont parfois que 4 mois entre le semis et la récolte et toute compaction au semis n’aura pas le temps d’être résorbée d’ici le remplissage des grains.

Deux leviers d’action

La compaction du sillon est à éviter en semis direct car elle impacte la circulation de la sève dans une zone de flux intense. Cette compaction risque d’impacter la culture et au final le rendement. Il y a deux leviers d’action pour éviter ou réduire l’impact du problème :
a) Le choix du semoir  : Pour éviter le problème, il est possible d’opter pour un semoir qui réalise le sillon par soulèvement de la terre. En effet, lorsque l’on soulève la terre pour faire le sillon, ce dernier ne sera pas compacté. Chaudry et al. (1987) et Baker et al. (1988) ont étudié la question en mesurant les flux d’oxygène autour de différents sillons dans différentes situations. La figure 7 montre la circulation de l’air autour de 4 sillons différents. Il est possible de voir l’intensité des flux d’oxygène sur une période de 3 semaines (21 jours). Les mesures montrent que l’oxygène circule mieux autour de l’élément « winged opener » que de l’élément « triple disc opener » et ceci, quelle que soit la couverture du sol. Le flux d’oxygène est un bon indicateur du taux de compaction (Berge et al., 2017). Le sillon en T inversé n’a pas subi de compaction alors que le sillon en V a été compacté.
b) Le réglage du semoir  : Il est important de bien régler le semoir pour éviter la compaction du sillon. Le principal réglage est la force de pénétration et il est important de vérifier son bon réglage au moins une fois par parcelle. Le plus simple est de planter le couteau à plusieurs endroits derrière l’élément semeur et d’observer la compaction. En matière de force de terrage, certains constructeurs proposent aujourd’hui des systèmes électroniques pour gérer la force de terrage en continue. Ces systèmes dynamiques sont capables d’ajuster la force de pénétration en fonction du sol et, si le sol varie entre le haut et le bas de la parcelle, la force de terrage suivra. Ces kits sont une bonne solution pour limiter la compaction et ses effets négatifs. En semis direct, il est important de s’assurer que la force de terrage du kit soit suffisante.

Ne pas compacter l’environnement de la graine

Malgré le faible nombre de publications scientifiques sur la compaction du sillon en semis direct et ses effets sur le rendement, il semble logique d’annoncer que le phénomène peut impacter la circulation de la sève qui a son tour va impacter le rendement. En effet, le bon fonctionnement de « l’autoroute de la sève » qui se situe au bas de la tige et en début des racines primaires semble nécessaire pour atteindre le potentiel maximum de la culture. Une mauvaise structure de sol peut allonger inutilement les racines et/ou réduire leur efficacité. Les cultures à cycle court sont, à priori, plus sensibles à la compaction du sillon. Pour remédier au problème, il est possible d’opter pour un semoir qui ne compacte pas l’environnement de la graine. A défaut, le problème peut être diminuer en prenant soin de bien régler la force de terrage du semoir dans chaque parcelle.

Références :
Baker, C.J., Chaudhry, A.D. and Springett, J.A. (1988) Barley seedling establishment by direct drilling in a wet soil. 3. Comparison of six sowing techniques. Soil and Tillage Research 11, 167–181.
Berge, H.F.M. ten, Schroder, J.J., Olesen, J.E. and Giraldez Cervera, J.V. 2017, Research for AGRI Committee – Preserving agricultural soils in the EU, European Parliament, Policy Department for Structural and Cohesion Policies, Brussels.
Chaudhry, A.D., Baker, C.J. and Springett, J.A. (1987) Barley seedling establishment by direct drilling in a wet soil. 2. Effects of earthworms, residue and openers. Soil and Tillage Research 9 (2), 123-133.
Stępniewski W., 2002. Oxygen diffusion rate and plant growth. In : Encyclopedia of Soil Science, Marcel-Dekker, Inc. ISBN : 082470634.