Jim Bullock

  • Semis direct de blé dans un tapis de graminées en décomposition
  • Semis direct McConnell
20
avril
2010

Cultures de printemps

Après cinq mois d’hibernation à cause du plus long, du plus froid et du plus humide des hivers anglais, nous recommençons à regarder nos sols pour voir ce que nous allons semer comme cultures de printemps.

Sur nos sols argileux lourds (46% d’argile, 42% de limon et 12% de sable) il y en a qui doivent se demander pourquoi nous faisons pousser des cultures de printemps (blé et colza en 2010) sur des sols qui passent de la boue au béton en 24h seulement ! Labourer pour les cultures de printemps, ce qui est toujours enseigné dans les collèges et universités comme la seule solution, n’est désormais plus une option pour nous.
Bien que nos précipitations annuelles moyennes soient constantes (700 mm), la répartition devient de plus en plus erratique avec 40% du total qui est tombé en 10 jours en 2009, ce qui signifie que nous avons connu inondation et sécheresse sur une période de quelques semaines.

Notre historique a fait que nous avions une rotation uniquement à base de cultures d’hiver si bien que nous commençons à souffrir des graminées (vulpin et brome) qui deviennent envahissantes et difficiles à contrôler. Les cultures de printemps nous permettent aussi de réduire notre mécanisation, nos coûts de stockage et améliorent notre trésorerie avec un délai de quatre à cinq mois seulement entre le semis et la récolte.

Notre culture de printemps favorite serait le maïs grain mais le coût des semences a augmenté de 30 €/ha en 2010, ainsi que le prix du diesel (0,61 €/L), ce qui rend les charges de production anti-économique pour nous en 2010.

La température du sol est encore très basse (8°C) et comme nous avons échoué à établir nos cultures à l’automne passé, le sols sont devenus très humides, compactés et sans vie : au lieu d’avoir un relais entre racines et de la photosynthèse pour maintenir l’activité biologique, nous devons recourir au fuel et à l’acier ce qui n’est pas bon pour le sol, l’environnement et nos finances !


Là où nous avons eu un semblant de couvert pendant l’hiver il a été possible de semer directement du colza de printemps après un unique passage à 2 L/ha de glyphosate. Les semences ont été placées dans l’humidité et devraient émerger dans quelques jours. Mais là où nous avons été assez fous pour labourer ou pour fissurer afin d’éliminer les compactions de surface, le sol est aujourd’hui desséché et la culture ne germera pas avant la prochaine pluie.

Nous allons devoir discuter d’une approche d’ensemble entièrement nouvelle, aussi bien pour les espèces de couverts que pour les implantations. Le mélange usuel devrait être à base d’avoine et de moutarde pour des raisons économiques. Mais comme l’interculture entre récolte et semis d’automne est très court, semer des couverts n’est pas la priorité, ce qui explique qu’ils soient semés tard et ne soient donc pas très réussis.
Ainsi, nous pratiquons les TCS et le semis direct depuis 15 ans et nous avons toujours autant à apprendre !


26
octobre
2009

Enrobage de semences

Pas d’enrobage à gauche, enrobage de semences à droite.

Le semis direct intégral a toujours été un défi en Grande-Bretagne pour beaucoup de raisons ; mais s’il est possible de donner un coup de « boost » à la culture au démarrage, le concept pourrait fonctionner sur une grande superficie. Les fertilisations starter sont une des possibilités peu de semoirs sont aujourd’hui capables de recevoir des équipements de fertilisation. c’est pourquoi l’enrobage de semences pourrait remplir le même rôle d’aider à l’établissement et à la croissance précoce de la culture.
Quoique les enrobages à base de manganèse et de zinc ne soient pas nouveaux, associés à un bio-stimulant des racines, ils peuvent offrir une solution à l’agriculteur cherchant à semer en semis direct.

Pas d’enrobage à gauche, enrobage de semences à droite.

Le surplus de croissance racinaire obtenu avec l’enrobage permet aux plantules de prospecter une zone de nutrition plus large. On évite ainsi une fertilisation additionnelle si la culture est capable d’utiliser un volume de terre deux fois plus important dans les premières semaines, à un stade crucial de son développement.

Ce concept spécifique ne fonctionne pas dans tous les types de sol mais devrait faire partie d’une gestion plus globale de la fertilité des sols, fondée sur des analyses de sols détaillées, issues de la méthode Albrecht d’agronomie nutritionnelle.
Cet automne (qui a été très sec), nous avons comparé l’enrobage « biostimulant » cité plus haut et l’enrobage chimique que nous utilisons classiquement. Le blé « biostimulé » est sorti 3 ou 4 jours avant l’autre, ce qui n’était pas une surprise puisque nous savions que certains enrobages réduisent les délais de germination. Cependant, la différence en termes de développement racinaire a été spectaculaire. L’idée sera donc de gérer la culture en utilisant divers éléments nutritifs (phosphore, potassium, soufre, bore, …) plutôt que d’avoir recours à des solutions chimiques qui en plus peuvent abîmer nos flore et faune du sol …


25
octobre
2009

SUMO Versadrill

La consommation de fuel est comprise entre 12 et 18 L/ha de fuel, en fonction des conditions de sol.

Les « farmers » anglais comme leurs voisins français souffrent du prix du grain qui dans bien des cas est très en dessous du prix de production. Le résultat est une chute des ventes de machines de 30% et plus dans beaucoup de région du Royaume-Uni. Cependant, des machines capables de faire faire des économies, d’améliorer les rendements tout en ayant un impact positif sur l’environnement présentent beaucoup d’intérêt. Un exemple en est le SUMO Versadrill qui a été lancé début 2009 et qui a été montré à nombre d’agriculteurs cet automne, du nord au sud du pays.

Notre récolte tardive et les conditions humides ne nous permettent pas de profiter au maximum des avantages que peuvent procurer à nos systèmes les couverts végétaux. Ainsi, nous devons toujours recourir à l’acier et au fuel plutôt que d’utiliser les racines et la photosynthèse pour améliorer nos sols. Le Versadrill a donc été développé pour répondre aux problèmes spécifiques de la Grande-Bretagne : des dents réglables brisent toute compaction éventuelle et sont suivies par des double-disques semeurs.

Le concept est de créer un effet strip-till, non seulement pour le colza semé en rang écartés mais également pour les céréales semées à 16,5 cm d’écartement.

3
août
2009

Journée agronomie Sulky / RECO

RECO, l’importateur de la gamme de semoir Sulky au Royaume-Uni a récemment organisé une journée technique pour lancer l’EasyDrill sur le marché anglais. Beaucoup d’agriculteurs pratiquent une forme ou une autre de TCS (45%), cependant, les rotations de cultures restent très banales (le plus souvent limitées à une, deux ou trois espèces). Quoiqu’il en soit, le concept de couverture continue des sols entre les cultures avec autre chose que des résidus est une idée totalement nouvelle.

Nous avons eu la chance d’avoir Frédéric Thomas, venu nous apporter son expérience de l’agriculture de conservation, non seulement comme agronome et conseiller mais aussi comme agriculteur. Sa vision de l’agriculture écologiquement intensive semble être la voie d’avenir de l’agriculture européenne. Non seulement, elle résout beaucoup de problèmes environnementaux créés par l’agriculture, mais permet également aux agriculteurs de travailler dans une situation financière plus stable. La particularité de ce type d’agriculture est que chaque élément du système doit être connu au préalable pour avoir une vue d’ensemble.

Frédéric a commencé par souligner l’importance de demeurer rentable avec le poids croissant de l’énergie dans les coûts de production, qu’il s’agisse du fuel, de la mécanisation, des phytosanitaires ou des engrais. Ainsi, la fertilisation azotée représente un coût de 50% des besoins énergétiques en céréaliculture, nécessite de développer des pistes destinées à maintenir l’azote dans les sols, à en perdre moins, voire à en fixer avec des cultures de légumineuses ou des couverts végétaux.

Dans beaucoup de pays européens le semis de couverts végétaux est maintenant obligatoire pour les longues périodes d’interculture, les intercultures hivernales par exemple. La lixiviation de l’azote peut être réduite de 50% quand un couvert efficace est mis en place. Frédéric a expliqué l’importance de faire pousser des couverts avec le même soin technique que l’on met à faire pousser des cultures de vente : avec des biomasses de 7-8 t/ha on peut fixer quelque chose comme 50 à 100 unités d’azote. Un mélange d’espèces va de plus croître sur différents niveaux dans l’espace, diverses architectures aériennes, différents systèmes racinaires et , en plus, on est assuré d’avoir une couverture sans compter l’étouffement des adventices. Le choix des espèces du mélange est très complexe et influence non seulement la demande de technicité mais également le coût, la disponibilité et l’adaptation des semences.

Il a ensuite souligné l’importance d’avoir une structure de sol verticale qui permette à l’eau de monter et de descendre dans le profil ; cette organisation pouvant s’obtenir si besoin à l’aide de fissurations. Les vers de terre sont des acteurs essentiels pour maintenir ce type d’organisation et doivent être favorisés : ils ont pour cela besoin de ressources alimentaires telles que les résidus de culture et de couverts végétaux. Le concept de travail très superficiel fut également abordé, dans le but non seulement de contrôler les adventices mais également les limaces.

La rotation est la clé de la réussite en agriculture écologiquement intensive. A ce titre, introduire une légumineuse et si possible une culture de printemps dans la rotation est bénéfique non seulement en terme de fertilité du sol mais aussi pour contrôler le salissement. Avec les possibles restrictions européennes d’usage de certains pesticides et de réduction des doses d’azote, la diversification des rotations va devenir essentielle.

Laurent Martinez, de la société Agronutrition, a développé le concept de fertilisation starter qui est actuellement développé en complément du semis direct. Agronutrition n’est pas seulement spécialisé dans la fertilisation des grandes cultures mais également dans l’arboriculture, le maraîchage et la vigne. En Angleterre il arrive souvent qu’une culture correctement semée devienne vulnérable une fois que la semence a consommé toutes ses réserves nutritives : attaques de limaces, hydromorphie ou mauvaises enracinement sont des facteurs à risque.

Le facteur sans doute le plus important est l’immobilité de certains éléments clés dans le sol, par exemple le phosphore qui doit se situer à moins de 2,5 mm des racines, le calcium ou le magnésium à 5 mm et le potassium à 7,5 mm. La température du sol à un impact sur l’assimilabilité du phosphore, sachant que seulement 30% du phosphore chimiquement disponible le sera effectivement à une température de 13°C (100% à 20°C). Ce paramètre explique sans doute une partie des problèmes que l’on peut rencontrer sur des cultures en semis direct.

Les engrais starter d’Agronutrition destinés aux céréales et au colza ont été développés pour éviter les phytotoxicités au semis et sont sous forme de micro-granulés qui peuvent être placés au plus près de la racine pour une absorption maximale. La dose d’application est inférieure à 20 kg/ha (selon le produit et la culture) ce qui devrait ne pas poser de problèmes de surpoids et de manipulation lors des semis.

Lors du tour de plaine, Frédéric a pu démontrer sur le terrain, dans un profil de sol, les concepts qu’il avait développé dans la matinée. Christophe de Carville a expliqué de manière approfondie le concept de l’EasyDrill, avant qu’ait lieu une démonstration de la machine. Même si le semoir ressemble beaucoup à d’autres machines présentes sur le marché, c’est l’une des seules qui soit utilisable aussi bien en système labouré, quen TCS ou en semis direct dans de gros volumes de résidus. Sulky a travaillé avec Agronutrition sur le concept FertiSem, une version de l’EasyDrill adaptée à la fertilisation starter.

Pour ma part, en tant qu’agriculteur suivant cet évènement, cela m’a permis de reconsidérer une nouvelle fois beaucoup d’aspects de nos systèmes de culture. Quand nous avons commencé à réduire le travail du sol et à semer en direct voilà déjà 12 ans de cela, tout ce que nous regardions c’était la manière de travailler et les solutions mécaniques et chimiques à nos problèmes d’implantation. Je comprends maintenant qu’il s’agit en fait d’un système complet et que nous n’avons pas assez prêté suffisamment d’attention à nos rotations et à la fertilité du sol. Nous allons sûrement regarder de plus près les fertilisations starter et je pense que nous avons au moins la place pour un couvert végétal dans notre rotation (entre le blé et le maïs grain). Je suis maintenant dans une démarche d’acquisition d’un nouveau semoir et l’EasyDrill FertiSem semble avoir la plupart des caractéristiques que nous recherchons ... tous ce que nous avons besoin après c’est d’une bonne récolte et des prix de vente corrects !


9
juillet
2009

Objectif blé : 60 €/t de coût de production

Blé semis direct en Angleterre - Jim Bullock 2009Nous avons eu dernièrement quelques journées au champ sur la ferme. Nous y avons montré les blés sur lesquels nous essayons de montrer qu’il est possible de produire du grain à 50 £ la tonne (environ 60 €/t alors que le coût moyen en France est estimé à 174 €/t en moyenne – NDLR) avec l’agriculture de conservation (TCS et SD). Nous considérons que cela devient essentiel si jamais le prix du blé demeure volatile. Autant nous recherchons un coût de production de 50 £/t, autant nous avons besoin d’un bénéfice de 500 £/ha pour continuer à être agriculteur. Il faut également souligner que nous utilisons du matériel ancien : tracteur de plus de 4 000 h, batteuse de plus de 3 000 h, un semoir Kuhn qui a plus de 11 ans ; enfin, nous estimons notre heure de travail à 8 £/h.

Détails de l’itinéraire technique et marges

Comme vous pouvez le constater dans le tableau, nous avons mené le blé sans herbicide de post-levée (ceci est possible uniquement avec des semis tardifs en SD). Mais notre principal changement concerne les applications d’azote au printemps : application d’urée 46%, sous forme de GS 30 à 16% (30 unités), sous forme de GS 32 à 32% (60 unités) et sous forme de GS 37 à 50% (90 unités). L’idée est d’avoir le minimum de croissance végétative au début du printemps afin d’éviter les applications de fongicides et de régulateur, mais aussi de ne pas favoriser la croissance des adventices. Le coup d’accélérateur est donné plus tardivement lors de l’épiaison (variété panifiable Solstice). Tous les fongicides sont destinés à protéger les trois dernières feuilles et l’épi.

Pour l’instant, les objectifs sont remplis et les rendements devraient être meilleurs. Cependant, il s’agit juste des conditions de l’année et cela devra être confirmé dans les années qui viennent. Nous sentons toutefois que nous devons adapter non seulement notre stratégie d’implantation des cultures, mais également la manière dont nous apportons les intrants.


4
mai
2009

« No-till Alliance » sur la ferme de Simon Cowells

Colza de Simon CowellsLa « No-till Alliance » a réuni plus de 200 agriculteurs venus de toute l’Angleterre sur la ferme de Simon Cowells. J’ai pris cette photo chez lui.

La zone de gauche a reçu du compost (12,5 t/ha) à l’automne 2007 avant un blé, suivi d’un deuxième blé en 2008, puis d’un colza cette année. Le blé 2008 sur la zone ayant reçu du compost a produit 25 q/ha de plus que l’autre (100 q/ha contre 75 q/ha) ! Le colza de la partie droite de la photo (sans compost) est plutôt mal parti, tandis que celui de gauche devrait dépasser les 30 q/ha. En ne regardant que les pertes de rendement, cela donne une valeur de plus de 1 000 €/ha au compost. De manière plus générale, ça donne une idée de ce que l’on perd en laissant chuter les taux de matière organique de nos sols.