Frédérique HUPIN

  • Guide Pleinchamp.com : selancer en agriculture de conservation des sols
  • Un mouton en crop circle
  • Brieuc Hardy
  • Geraud_Dumont_TCS_byArnaudGhys
  • Les enfants au pays des vers de terre
16
décembre
2023

Une journée TCS toute en poésie

Ce 15 décembre se déroulait la journée annuelle "TCS" au lycée agricole de Vendôme. Des conférenciers de choix, de la diversité et surtout un esprit de fraternité. 200 personnes... quand même !
Cette année fut particulièrement poétique grâce à l’introduction de la journée par Frédéric Thomas via un poème de l’agronome belge retraité mais restant écrivain et conférencier : Jean-Marie Parmentier.

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Page 144 du livre "La terre vous interpelle ? Et si on pensait épiculture ?". Un roman de 155 pages qui résume et nous fait revisiter les fondements de l’agronomie : pédologie et fertilisation principalement, mais pas que.

La terre a ses secrets, un côté mystérieux
qu’on se doit d’approcher, d’appréhender au mieux
chaque grain de sable d’argile ou de limon
nous parle d’érosion puis d’agrégation
(...)
les compartiments se créent
passage obligé
ce complexe est une clé
de la fertilité
refuge des cations
outil de nutrition
les échanges se font
en toute discrétion

Pour la petite histoire, Jean-Marie Parmentier a cédé les cours d’agronomie qu’il donnait aux jeunes agriculteurs à Blaise Duthoit (son successeur chez Rosier en tant que responsable agronomique) et à moi-même. C’est ainsi que nos relations se sont tissées.


17
novembre
2023

Lancement de l’alliance européenne pour l’agriculture régénérative

Ca vient de se passer ce 17 novembre ! Après plusieurs mois en couveuse, plusieurs échanges de terrain au travers toute l’Europe, EARA vient d’être officiellement lancée avec son site web.
EARA c’est une union d’agriculteurs européens décidés à faire valoir leur vision d’agriculteurs régénératifs à travers toute l’Europe. Histoire de ne pas se faire "prendre la chique" par de fausses définitions, des recettes toutes faites, des impositions d’en haut, ni d’être repris par l’agro-industrie d’une manière qui ne serait pas la leur et d’éviter le greenwashing autour de l’agriculture régénérative.
Conférence de lancement de EARA
Cet article n’est qu’un début. Je le compléterai très bientôt avec d’autres informations glanées auprès des agriculteurs fondateurs et membres de ce nouveau réseau européen.

Vous voulez faire partie de ce réseau européen ou juste en savoir plus ? 1ère étape : exercer son anglais.
Qui est EARA


16
octobre
2023

Le saule pour refermer le cycle de l’azote

Spéciale dédicace à Laurent Denise.
Le projet BIOMEPUR : épuration biologique tertiaire d’eaux usées sur filtre végétal de taillis à très courte rotation.

Mon premier job à la sortie de mes études d’ingénieur agronome : étudier la possibilité d’implanter des saules en bordure de station d’épuration pour récupérer l’azote des excréments humains et éviter qu’il ne soit rejeté dans les rivières.
Projet qui a réussi à prouver que c’était possible, mais resté dans les oubliettes de l’administration.
J’ai fouillé mon grenier, je l’ai scanné et le voici ce rapport que j’ai écrit il y a 20 ans.


22
juin
2023

Contrôle de l’érosion grâce à la gestion des communautés de vers de terre

Qui l’eu cru que de si petites bêtes pouvaient être utiles à un si grand problème : l’érosion des sols.

Ce constat a été réalisé par le professeur Bart Muys. Il réalise actuellement des recherches sur la biodiversité des forêts à l’université de Leuven. Mais dans le passé, il a mené une étude (Ecoworm) quand il travaillait à l’université de Gand, qui lui a permis d’étudier le lien entre l’abondance des vers de terre et les phénomènes d’érosion.
Lors de l’édition 2022 de l’ISEE (un symposium international dédié à l’écologie de nos vers préférés, dont Lola Leveau nous a parlé précédemment), il a présenté une de ses dernières études sur l’impact des éoliennes sur les vers de terre (étude réalisée sur trois fermes dans le centre de la Belgique).

Je vous partage ici le rapport de sa recherche "Ecoworm" ainsi que les éléments clé.

Message clé n° 6 :
Les vers de terre - en particulier les espèces qui creusent en profondeur comme le lombric (Lumbricus terrestris L.) - réduisent considérablement le ruissellement et la perte de sol dans les terres arables.

Message clé n° 1 :
Dans les conditions limites fixées par le climat et le type de sol, la gestion des agriculteurs est le facteur clé qui contrôle l’abondance des vers de terre et la composition des espèces dans les terres arables.

Message clé n° 2 :
Des conditions d’habitat adéquates sont le facteur déterminant pour la restauration et le maintien de communautés de vers de terre diversifiées et abondantes.
Biomasse des vers de terre en fonction des pratiques agricoles - Bart Muys
Ce graphique illustre la quantité de biomasse de vers de terre à l’hectare en fonction des pratiques : conventionnel (CT), TCS (RT), avec ou sans apport d’engrais de ferme (FYM), cultures versus prairies. La biomasse varie de 50 à 2200 kg/ha.

Message clé n° 3 :
Réduire les perturbations du sol - limiter le travail avec retournement en particulier - favorise l’abondance des espèces de vers de terre creusant des terriers profonds, d’une grande importance pour le contrôle de l’érosion.

Message clé n° 4 :
Les populations de vers de terre ont besoin de temps pour se rétablir après des années de gestion intensive du sol.

Son étude a permis de sortir un rapport en néerlandais intitulé : "Approfondir l’importance des vers de terre dans la gestion durable des champs. Une boîte à outils pour le contrôle écologique de l’érosion".


6
avril
2023

Ne dites pas "panier de crabes", dites "panier de vers de terre"

Lola Leveau est doctorante à l’UCLouvain. Elle est en dernière année de thèse au cours de laquelle elle construit des indicateurs biologiques et économiques autour de l’ACS. Elle mesure entre autre les vers de terre grâce à une technique particulière.

Le GAA (groupe d’agriculteurs en agroécologie) HORJ-BW, dans sa recherche d’informations sur les vers de terre, s’est adressée à une chercheuse belge. Comment pourrait-elle nous aider à y voir plus clair ? Réalisons d’abord son interview afin de mieux la connaître.

A2C : Lola, tu as participé en juillet 2022 à un symposium à Rennes sur l’écologie des vers de terre. Mais qui s’intéresse à ce genre d’événement ?
Lola Leveau Lola Leveau : En grande majorité, les chercheurs qui étudient les lombrics. En effet, si ce domaine de recherche est bien développé en France, dans la majorité des pays il reste assez confidentiel/anecdotique, ce qui fait que les équipes sont plutôt isolées au sein de leur pays. Ce symposium, qui a lieu tous les quatre ans, est donc une opportunité énorme pour échanger avec des collègues internationaux qui travaillent sur le même sujet. Le Symposium de cet été était la 12ème édition.
Cependant nous avons aussi écouté des intervenants issus d’organisations publiques comme la FAO ou encore des organismes de science participative, et un agriculteur (Frédéric Thomas) accompagné d’un conseiller technique (V. Frichot). Le logo du symposium soulignait la volonté d’inclure notamment la science participative, avec son slogan « From Researchers to Citizens ».

A2C : Combien de personnes ?
Lola Leveau : En tout, 160 personnes ont participé au symposium. Celui-ci a duré 5 jours, avec au total 62 présentations orales sur les lombrics, réparties par catégories de recherche : fonctions du sol, changements climatiques, communautés et réseaux écologiques, effets des polluants, agroécologie, écosystèmes durables, biodiversité et évolution, et enfin sciences participatives !
En plus de cela, 116 résultats de recherche des participants étaient présentés sous forme de posters dans les couloirs de la conférence, pour que l’on puisse en discuter durant les pauses.
International Symposium on Earthworm Ecology
A2C : Et toi pourquoi y as-tu été ?
Parce que je présentais un poster sur ma recherche, justement. Menant une étude assez « multidisciplinaire » et généraliste dans mon laboratoire à Louvain-la-Neuve, j’avais hâte d’échanger mes observations sur les lombrics avec des spécialistes du domaine.

A2C : Qu’as-tu présenté ?
Lola Leveau : J’ai présenté les résultats d’une analyse de terrain menée en 2020-2021 avec deux mémorants (Aline Fockedey et Xavier Belin). Dans le but de mesurer l’activité d’incorporation de la litière végétale par les vers de terre, nous avions appliqué un protocole appelé « panier à vers de terre » dans des champs de grandes cultures. Ce protocole a été créé par l’Observatoire Participatif des Vers de Terre (OPVT), qui est l’observatoire national français de la biodiversité lombricienne. La méthode est simple et peu coûteuse : dans chaque champ suivi, quatre petits paniers en grillage, faits maison (semblables à des boîtes à chaussures), sont fixés contre le sol au début de l’automne et remplis d’une fine couche de paille. Jusqu’au mois de mars, tous les 15 jours, on passe en champ observer comment cette couche de paille évolue. A quelle vitesse disparaît-elle ? Combien de cabanes (petits amas de litières) et de turricules (déjections) de vers de terre observe-t-on ? Contrairement aux tests d’extraction des vers de terre à la bêche ou à la moutarde, qui répondent à la question « Qui est là ? », le protocole « panier à vers de terre » répond à la question « Quel service d’incorporation est rendu par les vers de terre ? ».

La première application à grande échelle du protocole des paniers à vers de terre

Panier à vers de terre et Xavier Belin
Panier à vers de terre et Xavier Belin
  • Panier à vers de terre
  • Panier à vers de terre

Lola Leveau : Notre recherche était la première application à la fois « pour la recherche » et « à grande échelle » du protocole des paniers à vers de terre : nous avons suivi l’incorporation de la litière dans vingt champs de froment aux types de sols similaires (limoneux bien drainés) mais cultivés avec des pratiques agricoles variées (conventionnel, TCS, AB, ABC, SD…), depuis le semis jusqu’à fin mars. Il me semblait donc très intéressant de communiquer sur les résultats obtenus, en abordant deux angles :

  • le protocole était-il « réalisable » d’un point de vue technique dans un grand nombre de champs simultanément ?
  • les résultats fournissent-ils des informations utiles sur l’activité des lombrics et sur leur lien avec les pratiques agricoles ?
    Dans les deux cas, la réponse est « oui ».
    D’un point de vue logistique, il était possible de suivre simultanément les paniers dans 20 champs répartis sur une région d’environ 1000 km². Cela nous prenait 3 jours toutes les deux semaines, avec environ 2/3 du temps passé dans les trajets entre les champs. Nous pensons qu’il est possible de simplifier le protocole tout en conservant des informations intéressantes : en effet, on pourrait imaginer une « version rapide » dans laquelle les paniers seraient déposés en champ en automne, laissés 5-6 mois sur place sans prise de mesures et uniquement observés une fois, à la fin de l’expérience. On ne pourrait plus compter toutes les cabanes et les turricules apparus durant la saison, mais on garderait une information très importante : la quantité de paille totale incorporée par les vers de terre. Et on économiserait beaucoup de temps et d’essence !
    Nous avons observés plusieurs liens entre l’activité d’incorporation des vers de terre et les pratiques agricoles. En particulier, la quantité de paille incorporée durant l’expérience était d’autant plus grande que :
  • La fréquence des fertilisations organiques était élevée
  • Le temps passé depuis le dernier labour était long
  • La fréquence des labours était faible
  • La fréquence des travaux du sol avec des outils animés était faible
    Attention cependant au fait que nous avons fait des analyses multivariées de nos données : ces analyses montrent quelles corrélations existent (« x et y ont tendance à augmenter simultanément »), mais ne permet pas de conclure à des liens de cause à effet (« une augmentation de x entraîne une augmentation de y »). De plus, il s’agit d’une première série de résultats, sur seulement une année et 20 champs. Nous recommençons cette expérience en 2021-2022 et en 2022-2023 pour voir si ces résultats se répètent.

A2C : Quelles ont été les réactions récoltées ?
Les réactions étaient positives. Plusieurs chercheurs étaient contents de découvrir ce protocole car ils ne le connaissaient pas, et cela leur donnait de nouvelles idées sur les manières possibles pour observer l’activité des vers de terre.
L’avantage quand on présente des résultats à des collègues, c’est aussi qu’ils ont toujours des idées pour pousser le protocole plus loin… et qu’ils posent des questions critiques sur ce dont on aurait pu négliger l’effet. Par exemple, on m’a demandé si on ne risquait pas de mesurer sans faire exprès l’activité des fourmis (qui peuvent aussi déplacer la litière végétale) plutôt que l’activité des vers de terre avec ce protocole. Heureusement, nous avons observé durant l’expérience que plus il y avait de cabanes de vers de terre dans un panier, plus la quantité de paille incorporée à la fin de l’expérience était importante. Il semblerait donc bien que les vers de terre soient les acteurs principaux du processus que l’on observe ! Un chercheur m’a aussi conseillé de combiner le protocole des paniers à vers de terre avec un comptage des vers de terre par extraction à la bêche, en fin d’expérience, pour voir « qui était là ». Cela pourrait être intéressant !

A2C : Quelles personnes t’ont parues intéressantes, pragmatiques et orientées pratiques agricoles ?
D’une façon générale, j’ai trouvé les équipes de recherche françaises assez pragmatiques. Les équipes de l’Université de Rennes (ex : Daniel Cluzeau, Kevin Hoeffner, Sarah Guillocheau) et de l’INRAe de Rennes (ex : Guénola Pérès) notamment ont présenté beaucoup de résultats très appliqués sur l’impact des prairies temporaires, des types de travaux du sol, l’ABC… Ils travaillent beaucoup avec les chambres d’agriculture. L’OPVT est d’ailleurs lié à l’Université de Rennes, et a accumulé une grande base de données de référence sur les vers de terre en France dans différents types d’écosystèmes. On peut trouver beaucoup de posters présentés lors du Symposium sur le site de l’ISEE12 (exemple : la page avec les résultats de la thématique « agroécologie »).

A2C : Et toi tu es qui en fait ? :-)
Je suis une bioingénieure belge, actuellement doctorante au Earth & Life Institute de l’UCLouvain, une université wallonne située à Louvain-la-Neuve.

A2C : Et quel est ton parcours ?
J’ai étudié l’agronomie à l’UCLouvain de 2011 à 2016, avec les options « agronomie intégrée » et « production végétale ». Ensuite, je suis partie travailler un an à Clermont-Ferrand, en tant qu’assistante de recherche, à l’Irstea (maintenant c’est l’INRAe). Je travaillais avec une équipe qui développait un site web pour stocker et partager les connaissances sur l’agroécologie. C’était intéressant car on était en contact à la fois avec l’INRA et avec l’ACTA pour ce projet. Cette année de travail dans le monde de la recherche m’a donné envie de faire un doctorat. J’ai alors postulé à la Faculté des Bioingénieurs, où je travaille maintenant depuis 5 ans en tant qu’assistante d’enseignement et doctorante.

A2C : Pourquoi tu t’intéresses aux vers de terre ?
Parce que je travaille sur les services écosystémiques fournis par les champs, notamment sur le service de fertilité des sols… Et les vers de terre font partie des acteurs importants pour ce service par leurs activités de décomposition de la litière, mais aussi de modification des propriétés physiques, chimiques et biologiques des sols. On les classe d’ailleurs dans la catégorie des « ingénieurs de l’écosystème », avec les fourmis et les termites.

A2C : Tu fais un doctorat. Quelle est ta question de recherche ?
J’étudie les pratiques de grandes cultures dans les régions agricoles limoneuse et sablo-limoneuse wallonnes. Je cherche à identifier, dans une approche collaborative (on travaille sur des champs d’agriculteurs et ils sont intervenus dans la sélection des indicateurs suivis en champ), quelles pratiques ou combinaison de pratiques agricoles appliquées actuellement en champ permettent de remplacer une partie des intrants issus de ressources non renouvelables par des services écosystémiques. En effet, cette substitution des intrants par des services est assez souvent abordée dans les concepts théoriques de l’agriculture « durable » (sous plein de définitions différentes), mais peu d’études ont encore évalué ce qu’il en était concrètement sur les champs, en s’intéressant à plusieurs services écosystémiques simultanément. C’est ce qu’on essaie de faire !

A2C : Ne nous en dit pas plus maintenant, mais surtout reviens vers nous quand tu as de l’info qui intéressera les agriculteurs.
Lola Leveau : Ça marche ;-)


22
décembre
2022

Quelle est la différence entre un crédit carbone et un certificat carbone ?

Là où le certificat carbone certifie une pratique, le crédit carbone donne un droit à polluer. Si déjà on pouvait ne retenir que cela, ce serait un grand pas. La suite peut se nuancer davantage.

Parcourir la « jungle » des certificats carbone mondiaux n’est pas aisé. La Société Royale Forestière Belge (SRFB) a réalisé un état des lieux de ceux-ci afin de se rendre compte de l’intérêt qu’ils pourraient présenter pour les forestiers. Les principaux résultats de l’étude sont résumés dans cet article.
Il contient également quelques cas pratiques :
- les certificats carbone forestiers aux Pays-Bas ;
- les certificats carbone forestiers en Angleterre ;
- les certificats carbone agricoles en Belgique (France et Angleterre).

Cet article provient de la revue Silva n°6/22 :

Certificat carbone forestier : Rémunérer les pratiques forestières qui atténuent le changement climatique.

Certificat vs crédit