Emmanuelle Choné

  • Deuxième profil
  • Féveroles jaune et verte
  • Maïs comparaison inter-rangs
  • Après labour, le sol est très battant
  •  2 prairie à gauche et à droite de la route. 30 mars 2018
  • Terre soufflée chez Marc J, en Bigorre
26
septembre
2018

Semis à 40 cm, meilleur équilibre sol-plante

Il y a quelques années, lorsque l’on commençait à parler (ou à reparler) des semis à 40 cm, je me suis dis : « bien sûr, c’est évident ! ». Pourquoi, c’était une évidence pour ma part ?

Espacement de l'inter-rang pour la mécanisation
Espacement de l’inter-rang pour la mécanisation

1) Tout d’abord, parce que j’ai travaillé 7 ans en viticulture (dans la production)
Quand je travaillais en vignoble, j’entendais que le meilleur équilibre au niveau nutrition de la vigne et qualité du raisin était sur les vignes plantées 1 m sur 1 m.
Les besoins de mécanisation ont conduit à devoir espacer l’inter-rang pour les tracteurs, et à resserrer les plants dans le rang. Ce que je conçois tout à fait. Mais jusqu’où faut-il aller ? Des tracteurs et des outils plus gros, plus lourds …..

Maïs comparaison inter-rangs
Maïs comparaison inter-rangs
A gauche rang à 40 cm, puis des rangs à 80 cm (JM Nau, dpt 64, 2018)

2) Puis, parce que mon regard et ma vie se tournent vers les relations sol-plante
Œuvrant pour l’équilibre sol-plante, il me parait naturel que des écartements à 40 cm sont plus appropriés. Les explorations racinaires et de lumière seront meilleures avec des plantes moins serrées dans le rang. Aujourd’hui, grâce à la plateforme SYPPRE du Béarn, l’excès de concurrence en maïs à 80 cm est montré par des images racinaires grâce aux avancées scientifiques.

Soja sur labour, à 80 cm
Soja sur labour, à 80 cm
Quand le labour accentue la battance des sols, avec un semis à 80 cm : ouille ! ouille !
(JM Cup, dpt 64, 2018), dès l’an prochain, il testera le non labour en bio sur cette parcelle.

Sans oublier, mon ressenti pour les semis à 80 cm. Sur certains sols battants, quand je voyais ces sols nus, j’avais mal au cœur. Mais, je n’osais pas trop le dire…. La quarantaine a du bon… on ose.

Même aujourd’hui, quand je vois ces sols nus à 80 cm, aïe, aïe (le soleil, le vent, la pluie « brûlent » le sol). Je n’ai pas le même ressenti à 40 cm. Je respire.

Couvrir le sol, ce n’est pas seulement avec les couverts et les rotations. Personnellement, je pense que les semis à 40 cm sont une clef. En bio, nous pourrions penser au 60 cm ; pour ceux qui n’ont pas déjà tout l’équipement à 80 cm.

Je remercie Bruno Laborde Loustau de m’avoir fait confiance en 2013 lorsqu’il voulait changer son semoir. Il a permis à tout un groupe de voir la pertinence de ce choix.

Dans la fiche PDF ci-jointe, des résultats en rendements de Bertrand Deghilage.

Fiche semis 40 cm Agronomie Terroirs


21
novembre
2017

Féverole jaune, féverole verte… Qué pasa ?

On est l’hiver 2015-2016 et 2016-2017. En Béarn, chez Bruno Laborde Loustau (sol limoneux brun d’alluvions), En Bigorre, chez Thierry Lasserre (sol limono-argileux d’alluvions) et chez René Fréchou (sol limoneux caillouteux). Nous observons une chose étrange, sur une même parcelle, il y a des zones où la féverole est jaune et un autre endroit, la féverole est verte… Qué passa ?
Féveroles jaune et verte
On ne comprend pas… réflexe, on creuse !
photo féverole jaune
photo féverole verte

Bon, ok, mais encore ?...

Le vieil arbre à proximité

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Jean Hinault, pédologue, spécialiste en nutrition végétal,
Chimie et microbiologie des sols et matières organiques

Agronomie Terroirs a une chance inouïe d’avoir un vieil arbre sage à nos côtés. Même s’il ne sait pas tout, et n’arrête pas de le dire… de vous à moi…. Dans les relations sol/plante, j’ai rarement vu quelqu’un aussi calé ! Quand avec un agriculteur ou un vigneron, on sèche sur le terrain, j’appelle Jean Hinault.

« Allo, Jean, on est sur des alluvions, d’un côté j’ai une féverole jaune, qui ne présente pas de nodosités ; de l’autre, la féverole verte, présente des nodosités. Et puis, chez Thierry Lasserre ou Bruno Laborde Loustau, là où la féverole est jaune, le maïs, il est souvent moins joli. Peux-tu nous éclairer ? ».

Les nodosités ont besoin de molybdène

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Féverole jaune : pas de nodosités
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Féverole verte : présence de nodosités

Après quelques minutes de réflexion … « Les nodosités ont besoin de molybdène, et en sol acide, le molybdène n’est pas bien assimilable. Il faudrait voir le pH de chaque côté » dit Jean qui complète : "Le molybdène intervient en catalysant une enzyme, la nitrogénase, responsable de la fixation de l’azote atmosphérique.
Il intervient aussi chez toute les plantes dans le mécanisme de l’assimilation des nitrates au travers de l’activation d’une autre enzyme : la nitrate-réductase.
Dans le sol, le molybdène est absorbé sous forme d’ions molybdates (MoO4=), la solubilité desquels dépend fortement du pH. A l’inverse des autres éléments métalliques (zinc, cuivre et manganèse), la solubilité des molybdates augmente fortement avec l’augmentation du pH -de sorte que le molybdène est moins disponible en sol acide-
Une petite raison de plus pour surveiller le pH de nos sols. (On rappellera que le molybdène est un oligo-élément, à n’utiliser, comme tous les autres oligo-éléments, qu’en cas de besoin reconnu ; par ailleurs la détermination du molybdène dans le sol reste délicate).
"

Verdict, après analyse

Voici un résultat, sachant que pour les 3 cas, nous avons eu les mêmes différences.
Féverole jaune : pH eau = 5,1 et pH Kcl = 4,3
Féverole verte : pH eau = 5,9 et pH Kcl = 5,3

Dans chaque cas, là où la féverole était jaune et le maïs souvent décevant, le pH était plus faible. Bien entendu, dans les 3 cas, le chaulage était de rigueur, pour toute la parcelle.

Dans les analyses de parcelle, la moyenne de la parcelle ne permet pas de soulever les problèmes.
Il est donc important dans les analyses hivernales, d’analyser une zone homogène (soit zone à problème, soit zone représentative de la parcelle), pour savoir ce que l’on analyse, et ne pas faire une moyenne qui ne veut rien dire.

Merci à Bruno, Thierry, René et Jean pour le partage de ces observations et résultats.


20
février
2017

OBSERVER- EVALUER - RESSENTIR POUR COMPRENDRE ET DECIDER

Nous sommes en Béarn, au Sud de Arbus, chez un éleveur laitier bio : Jean André Biscar. Il s’agit de sols d’alluvions limoneux de basses terrasses.

Des tâches d’hydromorphie en surface, signes de soucis

2 parcelles côte à côte se comportent différemment. Le semis de RGA et Trèfle blanc a été réalisé en 2014 sur de la prairie. La technique du labour et du semis combiné a été réalisée eu printemps.

  • Prairie de gauche J.A. Biscar
  • Prairie de droite J.A Biscar
  • Sol 30 cm J.A Biscar
  • Profil 35 cm J.A Biscar
  • Détails profil gauche J.A Biscar
  • Zoom profil de droite J.A Biscar

Quand l’agronomie aide à prendre des décisions sur la conduite du troupeau

Le chiendent s’installe sur la parcelle de gauche, sur ce sol très limoneux, compact et subissant une forte hydromorphie saisonnière.
L’agriculteur pensait que les parcelles reposaient sur le même sol. Non seulement, la nature du terrain est différente, mais l’état hydrique et structural diffèrent. Pour sécuriser la mise en place et la production de prairie, nous orientons vers la diversité des espèces et le semis sous couvert de céréale.

Les analyses de sol montrent aussi de faibles niveaux de phosphore et de potasse pour les 2 parcelles. Un apport est prévu. Mais il est nécessaire de modifier la conduite de la pâture. L’éleveur pensait que son pâturage tournant où les bêtes restaient 4-5 jours suffisait. Grâce aux analyses de sols et aux observations, il se rend compte qu’il est nécessaire de faire du « vrai » pâturage tournant dynamique pour une meilleure restitution (durée de séjour : 1 à 2 jours).
Il ne suffit pas de savoir. Sur le terrain, nous nous apercevons que tout agriculteur qui prend le temps de ressentir en profondeur son sol, adapte sa pratique de manière plus sereine et plus « douce » malgré certaines contraintes qui pouvaient être bloquantes avant le travail d’observation, d’évaluation et de ressenti.

Enseignement pour le semis direct

A de nombreuses reprises, les parcelles ou zones de parcelles qui possèdent ce type de tâches d’hydromorphie, ont souvent les moins bons résultats. Pour nous, c’est un des indicateurs importants pour juger de l’état du sol, et évaluer les risques pour le semis direct sous couvert.


7
février
2017

Vive les indicateurs de l’hiver !

Nous sommes en Béarn, le 29 décembre 2016.
Dans la campagne, de nombreux signes de froid apparaissent. Je vais voir un agriculteur, mais sur la route, tout d’un coup, une parcelle m’interpelle : je vois 2 couleurs, de l’herbe verte et de l’herbe blanche.
Parcelle avec tassement et zones correctes
Je m’arrête et je fais demi tour, pour voir ce qu’il se passe d’un peu plus près. Sous les roues, dans la zone compactée, l’herbe était encore gelée. A côté, l’herbe était verte.
J’attrape mon thermomètre. Et je mesure à plusieurs reprises « chaque modalité ».
Il y a environ 0.8 °C à 1 °C de différence entre une zone tassée et la zone non tassée.

  • T°C sol zone tassée et encore gelée en surface
  • T°C zone non tassée, plus chaude, herbe non gelée

20
octobre
2016

La féverole oui, mais pas seule pour améliorer la structure du sol

Nous sommes en Bigorre, sur les terres d’alluvions limoneuses, plus ou moins caillouteuses de l’Adour. Vous savez, ces terres irriguées, où les agriculteurs font 130-140 Qx/ha en maïs, et 40-45 Qx/ha de soja.

Observation simple et pragmatique de l’effet de 2 couverts sur la structure du sol

Marc J., jeune TCSiste (1 an de recul), veut observer l’impact de différents couverts sur son sol entre deux maïs. Quelque chose de simple et de pragmatique :
- semis le 20 octobre 2015 (ça passe bien, dans le secteur)
- Féverole à 140 kg/ha en pure, semis à la volée + déchaumeur
- Féverole 140 kg/ha + Triticale 150 kg/ha : semis à la volée + déchaumeur + roulage (désherbage au glyphosate le 14 février)

Son objectif est de commencer à faire des couverts, sans que ça gêne la préparation du semis (en non labour depuis 2014-2015). Les observations datent de fin mars 2016.

Le triticale, même désherbé, laisse une structure grumeleuse

Marc est extrêmement surpris par la bonne structure de son sol sous le triticale désherbé.

Terre soufflée chez Marc J, en Bigorre
La terre est tellement soufflée par l’effet des racines de triticale qu’elle casse entre les pales.
Structure grumeuleuse sous triticale
Structure grumeleuse grâce aux racines fasciculées du triticale.
Etonnant, même 1 mois après le désherbage, la structure reste grumeleuse.

Je me régale, car cela faisait longtemps que je voulais voir, sous un couvert désherbé tôt, si l’effet de la structure durait dans le temps. Sur ce sol-là, la réponse est positive.

Une structure plus tassée entre les pieds de féverole

Racines de féverole
Combien d’images avons-nous pu voir de ces racines de féveroles avec de nombreuses nodosités ?.
Mais voilà, lorsque le sol nécessite d’être travaillé par des racines, celles de la féverole seule ne suffisent pas. Dans certains cas, elles pourraient être plus jolies avec d’autres.
Compaction entre les racines de féverole
Structure compacte entre les féveroles
Racines de féverole
Quelque racines de féverole, mais pas plus.

Marc, malgré le courant qui peut exister dans le Sud-Ouest sur la féverole en pure, décide désormais de mélanger de la féverole et du triticale.

Je comprends que sur certains sols très argileux, on simplifie en ne mettant que de la féverole pour faciliter la destruction. Nos nombreuses observations révèlent l’importance de l’impact des céréales sur la structure du sol. Sur de nombreux sols, la céréale a sa place dans le couvert. La proportion dépendra de la culture suivante et de l’objectif du couvert.

Sur un sol tassé, accentuer le mélange sur des céréales et détruire tôt pour ne pas être embêté dans la préparation du semis, n’est pas une aberration pour nous.

Merci à Marc pour ces belles observations !


16
septembre
2016

Elevage : oser décapitaliser pour un nouvel équilibre

En Béarn, Jean Jacques se retrouve comme de nombreux éleveurs de Blondes en difficulté financière. Il réalise de gros changements depuis 2 ans. Son système est constitué de 90 Blondes mères et 78ha. D’un système de non labour depuis 10 ans à base d’ensilage maïs obligeant l’achat d’aliment complémentaire, il construit un nouveau système. La recherche de l’autonomie alimentaire s’appuie sur du pâturage tournant et une ration alimentaire à base de fourrages produits sur l’exploitation. Il s’oriente progressivement vers le semis direct.

Résultats en hausse, mais insuffisants pour le banquier

Il remonte peu à peu la pente. Mais ce n’est pas suffisant, ni assez rapide aux yeux du banquier…
Ce dernier lui propose un prêt de « restructuration » de 108 000 €, à 2.8% d’intérêt sur 7 ans. Cela fait au total 128 000 € à rembourser, assurances et garantie compris.
Cette proposition ne satisfait pas l’éleveur.

Malgré l’insistance du banquier, il décide de décapitaliser.

« L’homme, pardon, l’humain essaye de reprendre la main sur un système dans l’objectif d’être autonome en termes décisionnel et financier. C’est redonner du sens à mon existence et revaloriser mon métier ».

La beauté des prairies en pâturage tournant

Pâturage tournant et Blondes d'Aquitaine
On est début juillet 2016, l’éleveur finit de nous raconter l’histoire en faisant changer les bêtes de paddock. Il est si fier de nous présenter son pâturage tournant, avec ses vaches qui ont un si beau poil et ses veaux en pleine forme, sans problème de diarrhée.
Jean Jacques est tout heureux de voir ses vaches sur de l’herbe bien verte. L’équilibre et la beauté qui transpirent dans cette prairie me surprennent.

Trouver son nouvel équilibre

Trouver un nouvel équilibre entre « le troupeau, la surface fourragère et l’homme » nécessite d’être réellement décidé à changer de chemin. Les banquiers et l’entourage des éleveurs qui proposent leurs solutions, ont-ils compris le malaise dans la campagne ?
La capacité de travail de l’éleveur et la surface fourragère sont parfois en inadéquation avec le nombre de bêtes. Mais comment oser vendre des bêtes non finies ? Peut-être en s’écoutant plus…. Et en s’asseyant délicatement sur son égo….
Merci à Jean-Jacques qui a bien voulu nous faire partager son histoire. Il est sûr de ne pas être le seul dans cette situation. Il souhaite redonner envie aux agriculteurs de chercher une autre voie.