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Faune utile des bords de champs
Auteur : C. Waligora - 168 pages

Faune utile des bords de champs

Souris, mulots… campagnols en réalité. Ce livre vous explique comment et pourquoi les campagnols deviennent des ravageurs en culture et production fourragère et sur quels prédateurs naturels peut-on compter pour agir, au quotidien, sur leurs populations. Réapprendre à connaître cette faune dite « ordinaire » de nos campagnes (renards, petits mustélidés et autres rapaces diurnes et nocturnes) balaye des idées reçues, s’appuyant sur des vérités scientifiques et écologiques (au bon sens du terme) et prouve, au contraire, leur grande utilité agricole, au même titre que la petite faune auxiliaire type carabes, coccinelles et bien d’autres. L’ouvrage donne enfin quelques pistes pour réinviter ces prédateurs dans les parcelles et ainsi retrouver des équilibres écologiques perdus.

Malgré les moyens que l’agriculteur a à sa disposition (pesticides, outils mécaniques, piégeage…), les dégâts en culture sont toujours présents, récurrents. Des producteurs qu’on trouve parfois désemparés, sans parler du coût et des risques (pour la santé et pour l’environnement) liés, par exemple, à l’utilisation des pesticides. Pourtant, une aide, gratuite, est à la portée des agriculteurs, toute proche…

C’est cette fameuse faune utile des bords de champs : renards, buses, faucons, chouettes, hermines, belettes et bien d’autres…
Certes, elle ne peut régler, à elle seule, tous les maux qui s’abattent sur les cultures mais il est prouvé qu’elle peut les impacter de manière significative. Pour peu qu’on la laisse faire.

Et c’est bien là qu’il y a problème. Force est de constater qu’il y a beaucoup moins de ces utiles prédateurs. Par méconnaissance (essentiellement), on les élimine ou on supprime leur habitat. Regardez ces immenses étendues cultivées sans un arbre ou une haie ! Comment voulez-vous que la buse ou la chouette chevêche s’installe et aille chasser les campagnols qui s’alimentent des cultures ?

Il y a aussi les idées reçues qui s’accrochent à certaines espèces. Il suffit de penser à toutes les histoires qui alimentent les campagnes sur le renard… Alors, indésirables ou auxiliaires ? Nuisibles ou utiles ?

Ce livre, je l’espère car c’est son but, doit vous apporter la réponse et changer votre regard et votre action vis-à-vis de cette faune… Rien qu’en la connaissant un tout petit peu mieux…

Préface de Jean-Pierre Sarthou

Retenez ces pourcentages : 50 % et 10 %. Il s’agit, respectivement, de la part moyenne
estimée du contrôle biologique des ravageurs des cultures par les auxiliaires zoophages et de celle du contrôle chimique par les insecticides, dans les agroécosystèmes du monde. Vous avez bien lu : les ennemis naturels, comme les coccinelles, les syrphes ou les micro-guêpes, effectueraient donc bien globalement une régulation naturelle 5 fois plus importante que celle, artificielle et non dénuée de conséquences sur nous et notre environnement, générée par l’usage des insecticides. Autre pourcentage étonnant : 20 %. C’est la part, à sa valeur estimée minimale, de l’augmentation que l’on pourrait obtenir au niveau mondial des rendements des cultures entomophiles (i.e. nécessitant la visite d’insectes pour pouvoir se reproduire et donc produire des fruits et/ou des graines) si la richesse spécifique et l’abondance des insectes pollinisateurs (par ordre décroissant de leur contribution : abeilles et bourdons sauvages, syrphes, autres diptères, certains coléoptères) étaient partout augmentées pour ne plus être un facteur limitant comme cela devient le cas aujourd’hui, alors même que les leviers classiques de l’intensification agricole (engrais, pesticides, eau) ne sont quant à eux pas limitants. Ces valeurs démontrent aujourd’hui très clairement combien les systèmes de production agricoles sont dépendants de la biodiversité entomologique, mais il aura fallu plus de deux décennies de travaux scientifiques pour positionner la lutte biologique par conservation (des potentialités biologiques des agroécosystèmes), qui concerne essentiellement pour l’instant les invertébrés, au rang des approches incontournables et dans certains cas les plus prometteuses de la protection des cultures.

Mais Cécile Waligora nous parle de la faune des vertébrés, petits et moins petits, des bords de champs, et elle a grandement raison. Ces « gros » animaux, bien mieux ancrés pour la plupart dans notre patrimoine culturel commun que les invertébrés, mais parfois aussi mal aimés et aussi méconnus que les plus négativement populaires de ces derniers, ont pourtant vu les feux de la science agronomique moderne se tourner d’abord préférentiellement vers les « petites bestioles ». Néanmoins les choses évoluent et, surtout, des visionnaires, scientifiques ou praticiens, ont montré une voie très prometteuse en ayant cherché à favoriser par divers moyens cette faune de vertébrés au profit de la lutte biologique contre les ravageurs. Par exemple, les Espagnols ont installé il y a 30 ans des nichoirs à mésanges noires sur le versant sud des Pyrénées pour protéger les forêts de résineux contre les chenilles processionnaires ; les arboriculteurs d’Île-de-France ont fait de même, mais avec la mésange charbonnière au début du siècle dernier, pour lutter
contre le carpocapse des pommes et des poires. Cette voie est d’autant plus prometteuse que nombre d’espèces de petits mammifères, de reptiles ou de batraciens ne peuvent être favorisées qu’en préservant ou recréant leur habitat dans son ensemble et non simplement leur gîte. Ce faisant, c’est toute une communauté d’invertébrés, auxiliaires des cultures ou non mais participant tous au fonctionnement de l’écosystème, qui sera également favorisée ; et l’on parle alors de la fonction « parapluie », c’est-à-dire du rôle protecteur de certains taxons vis-à-vis d’autres.

Nous croyons bien connaître les mœurs de la buse et du faucon crécerelle, parce qu’ils sont très fréquemment visibles aux abords des routes, perchés sur un poteau ou une botte de paille. Mais savons-nous vraiment distinguer par de menus détails une plume de buse de celle d’une chouette ou d’un hibou ? Savions-nous aussi que le faucon crécerelle repère, dans les jachères et prairies surtout, les gîtes de campagnols, souris et autres mulots grâce à sa vision dans l’ultraviolet ? Et le corps très fin et élancé de la belette, saviez-vous qu’il est spécialement adapté à la poursuite des campagnols dans leurs galeries ? Et que ce petit mustélidé, lorsqu’il est présent, rend ainsi de fiers services à l’agriculteur, tout en partageant cette manne alimentaire avec un autre prédateur, le renard ? Pourtant ce dernier est beaucoup moins apprécié des chasseurs de gibier et des propriétaires de poules... Sachez néanmoins que maître goupil préfèrerait lui aussi évoluer dans des campagnes recélant infiniment plus de biodiversité de toutes tailles pour ne pas devoir s’aventurer dans nos poulaillers, car il sait très bien qu’il y risque sa vie. Ne lui en veuillez donc pas d’avoir anéanti la belle nichée de perdrix de la dernière haie de votre secteur, il y a été littéralement conduit par notre propension à créer des paysages ruraux toujours plus ouverts et simplifiés, contenant de moins en moins de parcelles mais toujours plus grandes, afin de recevoir des machines toujours plus imposantes, pour une recherche sans fin d’une productivité du travail toujours plus forte (et non d’une productivité surfacique ni d’une rentabilité économique, qu’on se le dise !).

Vous apprendrez tout cela et bien plus encore. Cécile Waligora rend donc justice à ces parfois mal-aimés de nos campagnes, à coup sûr à ces petits êtres méconnus qui font pourtant le charme et le merveilleux d’une promenade champêtre, là où chemins creux, murets de pierre, haies et talus n’ont pas tous disparu. C’est en effet leur rendre justice que de contribuer aussi efficacement, grâce à un ouvrage magnifiquement pensé, construit et écrit, plein de sensibilité, de vie et d’amour pour ces animaux, à les réhabiliter à nos yeux d’êtres humains focalisés sur le CAC 40, les élections à venir, l’expert de l’assurance dont l’apparente procrastination fait craindre les pires difficultés à se faire indemniser des pertes de récolte par la grêle, ou encore sur la couleur de la prochaine voiture…

Bonne lecture, bonne aventure au pays de ces attachantes créatures à plumes, à poils, à
écailles ou à tégument. Soyez en sûr, vous dévorerez ce livre et vous y reviendrez pour le
simple plaisir de vous replonger dans ce foisonnement de vie et d’informations rares, pour
vous remémorer que le héron cendré a bien inventé avant l’homme l’optique polarisante
et gobe plus de campagnols dans vos champs que de poissons dans votre étang, ou bien
pour vous assurer de la bonne façon de distinguer un nid d’oiseau pillé par un hérisson
d’un autre pillé par un renard ou un mustélidé. Et charge à vous de replacer à bon propos
cette nouvelle connaissance dont vous êtes si fier, au cours du prochain repas que je vous
souhaite pour cela le plus convivial et le moins mondain possible !

Je vais clore comme j’ai commencé, en offrant au lecteur quelques faits et chiffres clés qui
invitent à la réflexion :
- la destruction des habitats est la première cause d’érosion de la biodiversité ;
- environ un tiers des terres émergées de la planète sont vouées à l’agriculture, celle-ci
est donc la première activité humaine en termes d’emprise sur la planète et en termes
de nouvelles expansions ;
- lors des cinq précédentes périodes d’érosion massive de la biodiversité sur la planète qui se sont produites au cours de diverses périodes géologiques, le rythme moyen d’extinction des espèces était d’environ 0,15 espèce par siècle ;
- la sixième extinction massive est en cours et représente l’un des grands changements globaux d’origine anthropique, qui a conduit les spécialistes à nommer notre ère « l’anthropocène » : pour la première fois, le devenir de la planète est sous l’influence d’une espèce biologique, Homo sapiens sapiens, nous-mêmes. Cette sixième extinction massive se produit à un rythme sans commune mesure avec les précédentes, puisque ce sont quelque 100 espèces (pour l’immense majorité non encore décrites) qui s’éteignent à jamais chaque jour ;
- enfin, environ 50% de la biodiversité européenne dépend d’habitats potentiellement
constitutifs d’agroécosystèmes. Ces éléments illustrent la responsabilité mais aussi le potentiel réellement très importants des agroécosystèmes du monde entier sur cette question de la préservation de la biodiversité, désormais grande cause nationale et internationale. Il vient d’être démontré que la santé des populations humaines à travers le monde est très fortement soutenue par la biodiversité des sols agricoles et non agricoles. Nous avons vu l’importance de l’entomofaune pour un accroissement potentiel de la production de certaines cultures et pour la baisse d’usage des insecticides. Parions que la même reconnaissance du rôle fonctionnel majeur de la faune vertébrée des bords de champs soit en marche et qu’elle contribue bientôt, au même titre qu’avec les « microbes » et les « petites bestioles », à l’avènement d’une agriculture toujours productive mais respectueuse de la vie et donc des générations futures. À n’en pas douter, s’il a fallu de 5 000 à 9 000 ans pour y parvenir, c’est que l’agriculture est en réalité et contrairement aux apparences pourrait-on penser, une activité d’une complexité incommensurable pour la compréhension de laquelle les agronomes ont tout à gagner à se rapprocher des écologues et des hommes de terrain, à commencer bien sûr par les agriculteurs, premiers experts de leurs propres systèmes de production. Merci vraiment Cécile pour cette contribution à n’en pas douter très forte à la préservation de cette partie un peu oubliée de la biodiversité de nos territoires ruraux, et assurément pour tous ces très bons moments de lecture à venir !

Jean-Pierre SARTHOU, agroécologue et entomologiste, enseignant à l’INP-Ensat et chercheur à l’Inra de Toulouse

Introduction

Trouver un titre pour un texte, un ouvrage, peut être tout à la fois simple et compliqué. En fait, soit il vous vient immédiatement à l’esprit, avant même d’avoir écrit une seule ligne, soit il finit par émerger plus tard, après bien des tergiversations.

Dès que j’ai eu l’idée du contenu de ce livre, le titre m’est venu. Merveilleux ! Ce serait : « Petite faune utile des bords de champs ». Il correspondait bien, semble-t-il, à ce que je voulais que soit ce livre et il « sonnait » bien à l’oreille. C’est important aussi !

Mais après avoir écrit une bonne partie de cet ouvrage, ce titre initial ne m’a plus paru aussi limpide et définitif. Le terme « utile » par exemple. Utile pour quoi ? Utile comment ? Utile pour qui ? D’un seul coup, il avait plutôt une connotation négative.

Direction le bon vieux dictionnaire. On peut y lire pour le mot « utile » : « qui rend service, qui est profitable ». Peut-être est-ce cela, profitable avec cette notion de profit qui n’a pas, je trouve, une image très positive lorsqu’on parle d’êtres vivants. Prenons un peu de hauteur et ne voyons que la signification : « qui rend service ». Là, il semblerait que cela passe mieux. Oui, en effet, certains animaux peuvent rendre service et c’est bien, en partie, ce que nous allons voir dans cet ouvrage. D’un point de vue plus scientifique et comme nous abordons la notion d’écosystème, on parle aussi de services écosystémiques rendus par telle ou telle espèce ou groupe d’espèces. Cela demande aussi une petite définition, afin de bien planter le décor. Les services écosystémiques sont les bénéfices que les êtres humains peuvent retirer des écosystèmes sans avoir à agir pour les obtenir. En bref, des services totalement gratuits ! Vous entendrez également parler de fonctions écologiques, qui sont les processus naturels de fonctionnement et de maintien des écosystèmes. Les services écosystémiques en sont le résultat.
J’ai finalement laissé cette terminologie d’« utile » dans le titre parce que, ne l’oublions pas, cela « parle » aussi au monde agricole. Qu’entends-je maintenant par « petite faune » ? Le terme de « faune » fait forcément écho chez tout un chacun. Bien entendu, les moins initiés et sans doute ceux qui sont assez éloignés de la campagne y verront la faune sauvage, le lion, le tigre ou l’ours blanc. Pourtant, à leur porte parfois, même en milieu urbain, il existe toute une faune sauvage, également prédatrice, souvent méconnue. Ne dit-on pas toujours que l’on connaît beaucoup mieux ce qui est loin que ce qui est tout près ? Avez-vous donc connaissance de la vie du hérisson qui vient fureter la nuit, dans votre jardin ? Savez-vous que le renard n’est pas cet impardonnable voleur de poules qu’on veut bien nous faire croire ? Imaginez-vous que le fier héron élancé qui se promène dans un champ ne se délecte pas que de grenouilles mais aussi de rongeurs ? Toute cette faune près de chez nous est en effet bien méconnue… Elle mériterait de l’être un peu plus, car justement elle peut être « utile » et rend bien des services qu’on est souvent à cent lieues d’imaginer… Et puis, on le sait trop bien : ce qu’on ne connaît pas, soit on l’ignore, soit on le craint, soit on le supprime, l’un pouvant découler de l’autre ou l’engendrer. Enfin, dans la nature, chaque animal a une place à part entière.

On parle ainsi de chaîne alimentaire. Si l’on retire ne serait-ce qu’un maillon d’une chaîne alimentaire (par exemple les prédateurs puisque c’est d’eux dont on va vraiment parler), des conséquences parfois graves peuvent apparaître. J’ai fini par retirer le qualificatif de « petite » devant faune. Car finalement, un renard, un blaireau ou un chat sauvage ne sont pas si petits que cela, même si on les inclut dans la catégorie des petits carnivores sauvages. Et puis, dans cet ouvrage, je ne m’attarderais pas sur une faune sauvage largement décrite par ailleurs et mieux connue du monde agricole : les insectes ou plus généralement les invertébrés. Ainsi quand on parle de certains ravageurs comme la limace, on voit le carabe, un coléoptère prédateur du gastéropode. Quand on pense au puceron, on voit la coccinelle. Ce qui nous intéresse ici, c’est une faune beaucoup plus visible mais de toute évidence moins bien connue : les prédateurs mammifères et oiseaux et quelques autres parmi les serpents et les batraciens.

Le cadre de cet ouvrage est ensuite l’agroécosystème, un nom un peu barbare pour les non-initiés. Dans ce mot, il y a écosystème qu’on a mentionné un peu plus haut. Encore une petite définition : un écosystème correspond à l’unité fondamentale d’étude de l’écologie, au sens purement scientifique du terme. L’écosystème, dans la nature, est formé par l’association de communautés d’espèces vivantes (appelée biocénose) et d’un environnement physique (appelé biotope). Exemples d’écosystèmes : un lac, une forêt, un champ. Biocénose et biotope sont en étroite et constante interaction. Un agroécosystème correspond plus spécifiquement à un écosystème de milieu cultivé, au sens agricole. Il est aussi l’objet d’étude de l’agroécologie. Et vous comprenez mieux cette histoire de services écosystémiques…

Un champ (ou des champs) est un agroécosystème qui comprend ce qui le borde : les bords de champs. Nous y voilà… Par bords de champs, on entend la zone qui borde une parcelle cultivée et qui n’est pas cultivée. Elle peut être tout à fait naturelle ou créée par l’homme. En vrac, citons les talus, fossés, chemins, haies, bosquets, lisières de bois ou de forêt, rivières, bandes enherbées, bords de cours d’eau, de mare ou de lac, murs de pierres, bâtiments… Comme nous le verrons plus avant dans ce livre, ces bords de champs (Photo 0-1) portent aussi d’autres dénominations que nous utiliserons parfois : éléments fixes du paysage, corridors écologiques ou habitats semi-naturels. Pour vous donner une idée, l’ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage) publiait fin 2014 les résultats d’une étude sur les bords de champs en plaine céréalière de Beauce. Ces bordures extérieures des parcelles agricoles, réduites dans ces plaines principalement à des bandes enherbées, des bords de chemins, voire des talus, représentaient environ 2 ha pour une superficie d’exploitation de 120 ha, soit entre 1 et 2 %.

« Faune utile des bords de champs » représente donc toute cette faune sauvage allant du renard au hérisson, de la buse variable à la chouette chevêche, de la couleuvre au crapaud qui sont utiles à la production agricole car ennemis ou prédateurs d’autres espèces animales considérées comme ravageurs des cultures.

Ainsi et malheureusement, cette faune utile, par méconnaissance, n’est pas considérée comme telle par une grande majorité de la profession agricole. Pire, celle-ci se prive de ses bienfaits en la limitant, directement ou indirectement, par suppression de son habitat. Ce qui pourtant semble être un non-sens : voici une aide totalement gratuite que celle de ces espèces qualifiées aussi, dans le jargon agricole, d’auxiliaires ! De quoi s’interroger quand on voit l’arsenal de moyens chimiques ou mécaniques déployé depuis des décennies contre les ravageurs des cultures. Pour rappel, la France se situe, bon an mal an, entre la troisième et la quatrième place pour la consommation de produits phytosanitaires (pesticides) en agriculture et elle maintient toujours sa première place au niveau européen (environ 100 000 tonnes annuelles). Malgré cet arsenal, les dégâts en culture persistent. En parallèle, une faune utile voit ses populations diminuer comme peau de chagrin, à l’image de la biodiversité globale (voir encadré). Ce serait cependant faire un raccourci un peu trop facile que de jeter la pierre aux agriculteurs. Ils ne sont pas les seuls. C’est un système entier qui a conduit à cet état de fait. Néanmoins, cela ne veut pas dire que vous, agriculteurs, ne devez pas agir ou ne pouvez rien faire contre cette érosion de biodiversité, dont celle qui vous rend service. Bien au contraire, et c’est souvent à la base (le « terrain », comme on dit) que naissent les meilleures initiatives, qui essaiment ensuite autour d’elles (effet « boule de neige »).
Pour finir sur ce tableau un peu sombre, alors que j’écrivais cet ouvrage, j’ai entendu un triste constat sur l’état des populations de passereaux dans le monde, y compris en France. Les passereaux sont cette famille d’oiseaux de petite taille comprenant, par exemple, les moineaux, les mésanges, les fauvettes, les alouettes… Le documentaire était intitulé, de manière assez provocante, Le silence des oiseaux. Il établissait le constat suivant : les populations de passereaux, à quelques exceptions près, déclinent dangereusement. En cause : la prédation (notamment les chats), le manque de nourriture (déclin des insectes en particulier), la modification de leur environnement, l’urbanisation, la pollution… Une récente étude en région parisienne était citée en exemple. Elle faisait état d’une diminution de 20 % des populations d’insectes depuis la dernière étude du même genre menée dans les années 1990 (les chercheurs ont apposé des adhésifs sur le pare-chocs de voitures et ont ainsi parcouru des kilomètres puis quantifié les insectes collés). On a en effet tous remarqué qu’à la belle saison de moins en moins d’insectes viennent s’écraser sur nos pare-brise… Cette étude vient le prouver. Et si l’on a une diminution de 20 % d’insectes, on a la même chose chez leurs prédateurs, notamment les passereaux. Les scientifiques interrogés estimaient que cette érosion atteignait certainement les 50 % depuis les années 1950…
À qui s’adresse donc ce livre ? En premier lieu et en toute logique, à vous, acteurs du monde agricole : agriculteurs, bien sûr, mais autant à vous, leurs conseillers, de tous bords et de toutes chapelles ! Car cette méconnaissance et ce défaut de préservation de la faune utile des bords de champs touchent autant les utilisateurs directs des agroécosystèmes que ceux qui doivent les conseiller ; peut-être même davantage… Et puis, cet ouvrage vous intéressera aussi sans doute, vous qui n’êtes pas directement du monde agricole, parce qu’il vous arrive de vous promener ou de côtoyer tout simplement les agroécosystèmes. Mieux les connaître c’est aussi peut-être mieux comprendre le monde agricole, ses problématiques, ses usages, ses atouts et ses faiblesses. Enfin, je ne vous oublie pas, vous, les enseignants, et vous, les étudiants, car la connaissance, elle s’acquiert déjà par vous et pour vous, futurs « usagers » des agroécosystèmes…

Cécile Waligora, mai 2016

Sommaire

  • Faune utile des bords de champs - Sommaire

Quelques pages de l'ouvrage

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You Can Farm !
Auteur : Joel Salatin - 393 pages

Élu par le Time Magazine comme l’un des plus grands agriculteurs innovants du monde, Joel Salatin est devenu une référence de l’agroécologie et de la gestion holistique. Sur son exploitation de 220 hectares à Swoope, en Virginie, Joel et sa famille développent des modèles cohérents de gestion du pâturage pour élever bœufs, porcs, poulets, lapins et dindes à destination de leurs cinq-mille clients particuliers, cinquante restaurants et dix magasins. Auteur de dix livres et intervenant dans de nombreuses conférences à travers le monde, Salatin expose les clés de la réussite de son modèle afin qu’il soit répliqué par le plus grand nombre.

http://www.polyfacefarms.com

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Guide pratique de la vie des sols
Auteur : Pierre Anfray - 183 pages

Respecter le sol et donc les êtres vivants qui le composent devient un enjeu majeur pour les agriculteurs. L’agroécosystème qu’ils génèrent de cette façon peut, s’il est bien pensé, remplacer en partie les outils mécaniques et technologiques.

Ce livre offre une description de l’ensemble des espèces du sol communément rencontrées dans les espaces cultivés et leurs abords. Pour chaque espèce, les intérêts agronomiques sont expliqués. De plus, cet ouvrage présente un récapitulatif des techniques culturales permettant l’amélioration des conditions de vie des espèces vivant dans les sols. Il indique également les techniques susceptibles de les endommager et d’altérer ainsi la qualité du sol.

Enfin il propose une approche technique originale d’initiation à l’observation du sol et à l’évaluation de sa qualité

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Engrais verts et fertilité des sols
Auteur : Joseph Pousset - 397 pages

Cet ouvrage de Joseph Pousset, publié en XXX, a été le premier du genre sur les couverts végétaux et la gestion de l’interculture. Initialement destiné aux agriculteurs biologiques, c’est une mine d’information sur l’impact des couverts sur le sol et l’activité biologique, ainsi que sur les caractéristiques et qualités des différentes espèces à utiliser.

La culture des engrais verts est souvent présentée comme une pratique importante, notamment en agriculture biologique. elle a fait l’objet d’articles assez nombreux dans les publications « bio ». Pourtant, sur le terrain, elle n’est pas aussi répandue que pourraient le laisser croire les débats sur les techniques culturales écologiques.

Y accorde-t-on trop d’importance théorique ? Les praticiens n’ont-ils pas bien compris son intérêt et les subtilités de sa mise en œuvre ? La culture des engrais verts est-elle trop compliquée, trop coûteuse ? Les résultats obtenus sont-ils insuffisants par rapport aux espérances ? toutes ces raisons se vérifient sans doute un peu, s’ajoutent, interagissent les unes sur les autres…

Mais la raison principale d’une utilisation insuffisante ou inadaptée des engrais verts me paraît être la méconnaissance ou la négligence de certaines réalités agronomiques fondamentales. une bonne application de ces connaissances agronomiques trop négligées peut changer de façon importante la manière de travailler de l’agriculteur. Ce point de vue s’applique bien sûr à la culture ordinaire, mais également à un nombre – à mon avis – important de praticiens qui respectent le cahier des charges de l’agriculture biologique, mais en conservant l’état d’esprit et le mode de raisonnement « classiques ».

Saluons au passage l’attention que porte aujourd’hui aux engrais verts (sous l’appellation de « couverts végétaux ») une bonne partie des promoteurs et praticiens des techniques culturales dites « simplifiées ». Les points de vue de ces agriculteurs et techniciens partisans de la suppression des labours et parfois de tout travail du sol méritent sans doute discussion, mais leur contribution au perfectionnement et à la vulgarisation de la pratique des engrais verts est indiscutable et importante.

Une définition large

On peut considérer comme engrais vert toute plante qu’on cultive non dans le but d’être récoltée, mais pour augmenter la fertilité de la terre ; c’est la définition « restrictive » habituelle. Donnons-lui un sens plus large : les cultures récoltées peuvent aussi constituer un engrais vert par les résidus qu’elles laissent et l’action de leurs racines . et surtout, les adventices maîtrisées – la flore spontanée « contrôlée » – sont les plus « naturels » des engrais verts.

N’oublions pas les cultures « mixtes » comme certains végétaux annuels qu’on installe sans savoir au départ si on va surtout les utiliser comme engrais verts ou comme fourrages de dépannage (colza , trèfle incarnat , etc.).

Des origines anciennes et incertaines

La culture des engrais verts est peut- être aussi ancienne que l’agriculture. L’américain Pieters, dans une étude publiée en 1927, signale que des documents chinois très anciens la mention- nent plus de mille ans avant Jésus-Christ. D’autres auteurs, dont J.S. Joffe (1955), précisent que les anciens Grecs et Romains utilisaient eux aussi cette technique. en France, les vieux livres d’agriculture en parlent également, la plupart du temps assez succinctement et en gros, toujours selon le même schéma, tout au moins ceux que j’ai eu l’occasion de consulter : « Il est souvent avantageux de semer certaines plantes qu’on enterre par un labour profond, à titre d’engrais. On doit préférer celles qui croissent vite et dont la graine a le moins de valeur … »

On remarque l’allusion au « labour profond », mais précisons qu’à l’époque un labour profond devait mesurer quinze ou vingt centimètres seulement… Nous y reviendrons.

Quoi de neuf depuis dix ans ?

Depuis la parution de la première édition de cet ouvrage début 2000, l’intérêt de la profession agricole pour la culture des engrais verts s’est accru alors qu’il avait diminué et même presque disparu dans la deuxième moitié du xxe siècle devant le raz de marée de l’agriculture industrielle dans nos pays.

Cela est encourageant et va, espérons-le, nous conduire vers une « meilleure » agriculture, même si, malheureusement, la pratique agricole globale change encore très peu sur le terrain pour le moment.

Une vaste réflexion

Si l’engrais vert est la plante qui augmente la fertilité de la terre, son étude s’étend rapidement à la façon dont les végétaux spontanés apparaissent et améliorent le sol. Les pages qui suivent sont le résultat d’études bibliographiques, d’observations et de recherches conduites chez moi et dans diverses fermes, notamment celles de mes amis de l’association d’agriculture écologique de l’Orne.

Dans cette troisième édition, j’insiste particulièrement sur le rôle des systèmes radiculaires. Je m’efforce d’ajuster les doses de semences en les révisant généralement à la baisse. J’introduis quelques pages sur la pratique des engrais verts en viticulture, production dont j’avais peu parlé dans les éditions précédentes. Je présente également quelques nouvelles espèces d’engrais verts et je propose la notion d’engrais vert « berceau ».

La Belliére, novembre 2010, Joseph Pousset


Engrais verts et fertilité des sols


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Agriculture biologique, une approche scientifique
Auteur : Christian de Carné-Carnavalet - 472 pages

Préface de Claude et Lydia Bourguignon

C’est un plaisir pour nous de dédicacer ce livre qui résume l’immense travail des biologistes des sols. Lorsque nous avons écrit Le sol, la terre et les champs en 1989, nous passions pour des scientifiques irréalistes car les tenants de la « révolution verte » considéraient que la biologie du sol n’avait pas sa place en agriculture. C’était l’époque où l’agriculture n’était plus cette activité millénaire qui nourrissait les hommes grâce au travail de millions d’agriculteurs, mais une activité dominée par les idéologies du tout chimique ou du tout « bio ». Nous expliquions à cette époque que seule l’étude scientifique des relations complexes et fondamentales qui relient le sol, les microbes, les plantes, les animaux et l’homme permettrait de nourrir l’humanité, mais ceci n’était guère d’actualité ; heureusement, depuis, les mentalités ont évolué. Il ne s’agit pas de créer une nouvelle méthode miracle, mais il faut étudier, à la lumière de la science, les pratiques ancestrales et empiriques des paysans du monde pour les développer et les améliorer. Ce livre reprend, complète et diffuse nos propos. Après des années de luttes idéologiques, les hommes comprennent enfin que ce n’est pas d’une chapelle dont l’agriculture a besoin mais d’une approche scientifique de cet écosystème complexe qu’est le champ. Ce livre pourra sembler ardu pour des néophytes mais le chemin de la connaissance est difficile, ce n’est pas un long fleuve tranquille. Ce livre a l’immense mérite de montrer que le sol est le milieu le plus complexe du globe et qu’il demande une étude scientifique approfondie pour pouvoir être cultivé de façon pérenne. Il démontre que l’agriculture biologique de demain sera scientifique ou ne sera pas. Cela suppose bien sûr une grande connaissance du fonctionnement des sols. Le métier d’agriculteur ne se limite pas à labourer, épandre des engrais, semer des graines OGM et traiter ses plantes aux herbicides, insecticides… Le métier d’agriculteur est le plus complexe du monde car il consiste à gérer l’écosystème agro-sylvo-pastoral et ceci ne peut se faire sans des bases solides en pédologie, biologie des sols, botanique et zoologie. Nos lycées agricoles devraient être des lycées de sciences et non des collèges de techniques agro-industrielles. Ce livre expose en détail ce que nous expliquions depuis plus de vingt ans aux agriculteurs : ce n’est pas avec l’azote, le phosphore ou le potassium que l’on peut faire une agriculture durable, mais avec du carbone, c’est-à-dire de la matière organique qui est la source fonda- mentale d’énergie du monde vivant du sol. Ce n’est pas avec une charrue que l’on assouplit le sol mais avec des racines de plantes intercalaires. Ce livre explique bien le rôle des microbes du sol sur la pédogenèse et sur la nutrition des plantes. Notre enseignement ne s’est donc pas fait en vain, et il est très encourageant pour nous de voir des « élèves » comme Christian Carnavalet poursuivre notre travail d’explication et d’enseignement du rôle de la biologie des sols dans la fertilité de ceux-ci. Ce livre prouve que le développement d’une véritable agriculture biologique scientifique et pratique est en marche, et qu’en comparaison de cette nouvelle agriculture, la révolution verte semble bien archaïque. Le lecteur pourra trouver dans ce livre les diverses applications de la biologie du sol à toutes les formes d’agriculture : céréaliculture, maraîchage, viticulture, arboriculture, et même à la culture des jardins et des gazons. On comprend par cet ouvrage que la biologie des sols n’est pas une science réservée à quelques scientifiques spécialisés mais qu’elle est à la base de l’agriculture de demain.

Claude et Lydia Bourguignon Marey sur Tille, mars 2011


Engrais verts et fertilité des sols


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