Cécile Waligora

  • Plantation d'une haie avec une planteuse forestière
  • Bousiers dans un crottin de cheval Tarpan
  • Tas de pierres en bord de parcelle dans l'Yonne
  • Détails du couvert d'été : sorgho, tournesol, radis chinois et colza
24
août
2011

Les carabes ne sont pas seulement prédateurs de limaces…

Une récente publication scientifique, issue de la collaboration entre l’Inra et le BBSRC (Biotechnology and Biological Sciences Research Council) au Royaume-Uni, met en avant la famille des carabes comme régulateurs de…mauvaises herbes… Qui l’eu cru ? Les limaces oui, mais les adventices…Dans la très grande famille des carabes, il n’existe pas seulement des prédateurs de limaces mais aussi des carabes phytophages. Les deux équipes ont ainsi analysé les données de 257 parcelles agricoles implantées en maïs, betterave, colza d’hiver ou de printemps. Ces parcelles étaient réparties sur l’ensemble du territoire britannique. L’idée de l’étude était de comprendre le lien existant entre le stock semencier d’adventices évoluant d’une année sur l’autre et les populations de carabes. L’analyse de ces données affirment que plus il y a de graines présentes en surface du sol (c’est-à-dire juste après être tombées des plantes), plus il y a de carabes dans la parcelle. Ainsi, les chercheurs en conclu que ces carabes sont d’indéniables auxiliaires également à ce niveau-là, en prélevant une part non négligeable de graines d’adventices présentes à la surface du sol. Ces graines « prédatées » ne germeront pas. Par ailleurs, l’étude explique que ce phénomène de régulation naturelle est d’autant plus présent que nous sommes dans une situation de non labour et que l’apport de pesticides sur les parcelles est modéré. Les équipes de chercheurs insistent également sur l’importance de préserver ou de réimplanter les biotopes de bords de champs, propices au maintien de populations de carabes sur place. On n’a pas fini de découvrir les innombrables facettes naturelles des agro-écosystèmes. Louons ce genre d’études car comprendre les interactions entre les différents acteurs évoluant au sein de nos parcelles agricoles, ne peut qu’aider à mieux les préserver et les entretenir.


21
décembre
2010

Bientôt les trophées de l’AC ?

Colza associé à un sarrasin (F. Thomas)

Il y a quelques jours, j’ai reçu de la part d’un SDiste meusien, fidèle lecteur des supports « TCS » et participant assidu aux réunions du genre, un message qui m’a donné à réflexion. J’imagine qu’il se reconnaîtra et qu’il ne m’en voudra pas de poursuivre cette communication.
Cet agriculteur a été sollicité par sa banque (au courant de sa démarche agronomique quelque peu différente…) pour participer à un concours organisé par le ministère de l’agriculture et dont cette banque est partenaire : « les trophées de l’agriculture durable ». Les dossiers sont d’abord examinés au niveau régional puis les sélectionnés le sont au niveau national.
Certains se diraient : « encore de la paperasserie et pour quoi ? », « comment ma démarche va-t-elle réellement être retranscrite par des « bureaucrates non initiés ? » Ce n’est pas ce que s’est dit notre interlocuteur. Il a joué le jeu en se disant : « pourquoi pas ? C’est une bonne occasion de parler d’agriculture de conservation auprès de nos dirigeants. » Et je pense que sa démarche a été la bonne. Cette demande révèle une chose : l’AC fait son chemin et perce dans la frange des acteurs agricoles non avertis (mais devant l’être !!!) Si notre agriculteur n’a pas été choisi pour passer à l’examen national, il a été au coude à coude avec le sélectionné régional, que nous pouvons citer puisqu’il le sera dans la presse : Philippe Mouraux. Et ce sélectionné est un autre adepte de… l’agriculture de conservation ! Sans lien aucun, il a d’ailleurs été l’objet d’un reportage à paraître dans TCS n°60…Que demander de mieux car la victoire revient bien à deux démarches d’AC ? Que ce soit par ces trophées ou un autre concours, c’est un moyen comme un autre de reconnaissance d’une pratique. Les éleveurs le savent bien : les concours, c’est fait pour çà ! Alors ceux qui en ont l’envie (ce n’est pas toujours agréable), n’hésitez pas ! Parfois, la qualité et le contenu des dossiers peuvent être reconnus, au-delà des « relations »…


27
septembre
2010

L’eau devient réellement un business

Source : Wikimedia Commons (C. Staecker)

Il y a encore quelques petites décennies c’est-à-dire « rien » dans l’échelle des âges de la planète terre, personne n’aurait imaginé qu’un jour, l’eau ferait l’objet d’un marché mondial au même titre que le blé, le pétrole ou l’acier. C’est pourtant une réalité aujourd’hui.

Face au déficit en eau de certaines régions du monde, le convoyage d’eau douce sur de très grandes distances est en train de se mettre en place. Une société américaine travaille aujourd’hui à véhiculer, d’ici quelques mois, de très grandes quantités d’eau douce vers l’Inde (bateaux-citerne). Cette eau, potable, sera à destination industrielle et alimentaire.

Le futur exploitant, S2C Global Systems Inc., indique que le port de réception de l’eau, situé sur la côté ouest de l’Inde, servira aussi d’étape avant que la marchandise n’aille vers d’autres pays déficitaires comme l’Irak. Ce seront ainsi 2 millions de m3 d’eau qui pourraient être convoyés annuellement vers l’Inde ; ce volume représentant un minimum puisque l’entreprise annonce que le potentiel de captage de l’eau, en Alaska, avoisine les 45 millions de m3 annuels. Dans ce cadre, « business is business », S2C compte déjà installer deux autres plateformes d’approvisionnement d’eau potable, l’une située dans les Caraïbes et l’autre probablement sur la côte Est de la Chine. Pour autant, tous les pays ne pensent pas la même chose. Ainsi, le Canada est contre cette idée et envisage d’interdire ce type d’exportation. D’autres sont plutôt pour, à l’instar du Groenland, de l’Islande ou de la Nouvelle-Zélande.

Mais sachez qu’une opération du même acabit s’est effectuée il y a deux ans, beaucoup plus près de chez nous. Au printemps 2008, le déficit en eau potable de la région de Barcelone, en Espagne, avait été provisoirement comblé par de l’eau en provenance des ports de Marseille et de Tarragone (Espagne). Ce que l’on voit aussi c’est que seuls certains pays, certes déficitaires en eau mais pas en argent, pourront (ou voudront) s’acheter cette nouvelle marchandise ; pas d’autres…


6
septembre
2010

Massacre… aux 1 000 charrues

Overdose de CO2 sur la campagne haut-marnaise de Juzennecourt, ce dimanche 5 septembre 2010. Les JA, sponsorisés par Total (il faut le dire), se sont « shootés » au CO2 mais aussi leurs familles au grand complet, venues, en ce dimanche ensoleillé, participer à la « fête ». À 15h00, dans une immense parcelle proche du village, ont rugi plus de 1 000 tracteurs, tous gyrophares dehors, fumées bleues au vent et armés chacun d’une charrue. Un véritable massacre du sol, organisé, filmé et photographié de toutes parts, même dans les airs avec un hélicoptère tournoyant inlassablement au dessus de la scène.

Et la fête se résume ainsi : les JA du département sont particulièrement fiers d’avoir battu le record de France de labour, détenu par les Vosges, en rassemblant 1 070 charrues (1 045 officiellement). Haro sur les vers de terre, mes amis !!! Encore aurait-il fallu qu’il y en ait déjà dans la parcelle « spectacle » ! S’il y en avait, il n’y en a plus, c’est certain.

Au-delà du nombre de charrues en lice, ce qui m’a peut-être encore plus estomaqué, c’est le nombre de visiteurs à cette 57ème fête de l’agriculture : 12 000. Quelque part, c’est bien car cela veut dire que l’agriculture est toujours dans le cœur des familles mais tant de spectateurs « ignorants » (sans doute pas tous) de ce que cela signifie pour le sol laisse un goût amer… Alors, il ne me reste plus qu’à vous dire : venez nombreux au festival du Non Labour et du Semis Direct, le 15 septembre prochain dans l’Orne. Histoire de rééquilibrer la balance et de démontrer que le virage tant cité (celui qui indique que les agriculteurs se lancent vraiment dans le non labour) est bien amorcé. Une petite note réconfortante pour finir, une source que je ne citerai pas m’a soufflé que les JA de Haute-Marne avaient quand même eu du mal à trouver autant de charrues…Il est vrai que nombre d’entre elles n’étaient pas de toute jeunesse et avaient sans aucun doute été tirées des ronciers.


9
juin
2010

La presse technique agricole il y a 30 ans

J’ai eu l’opportunité de consulter de vieilles archives d’un mensuel agricole. Il s’agissait de numéros datant de 1980 et 1981, soit 30 ans d’âge !!! Rien que çà… Je n’avais même pas 10 ans, étais encore en École Primaire et ne possédais encore aucune notion agricole…On en était aux numéros 131 à 136 !!!

Ce qui m’a de prime abord marqué c’est l’épaisseur de la revue (déformation professionnelle, sans doute…) : pas moins de 163 pages tous les mois ! Le papier ensuite, de type papier journal et puis les photos… en noir et blanc. La qualité technique du support et même, parfois, la prise de position des auteurs. J’ai feuilleté la revue pour voir quels sujets étaient abordés. Sans surprise, d’une manière générale, la presse technique agricole de cette époque avait pour but d’aider l’agriculteur à l’amélioration de la productivité de ses cultures en se basant sur les dernières avancées en matière de produits phytos, fertilisants et autres substances de croissance. Il fallait faire du rendement et on y mettait le paquet, si je puis dire. A aucun moment dans les articles, on évoquait le sol ou l’environnement. Alors que de progrès réalisés depuis ? C’est tout de même satisfaisant de se rendre compte à quel point l’agriculture a évolué.

Pour autant, et bien que ma lecture ait été un peu rapide, en diagonale comme on dit, j’ai eu la surprise de tomber sur quelques paragraphes qui parlaient de… légumineuses et… de non labour… Là, j’ai lu de manière plus attentionnée (déformation « TCS » oblige…). Les légumineuses étaient mentionnées dans un article intitulé : « L’azote : une fertilisation plus performante ». À l’époque déjà, le prix des engrais avait augmenté. Dans ce papier, on mettait alors en avant des formes d’engrais plus performantes, à libération retardée. Et c’est ensuite que je suis tombée sur quelques phrases concernant les rotations de légumineuses. On y évoquait l’expérience dans le Corn-Belt américain avec l’introduction d’une légumineuse, le soja pour des rotations maïs/soja. En faisant bien attention de mentionner aussi que cette introduction était bien connue en Europe depuis l’antiquité… Résultat : en maïs, + 5 à 6 q/ha tout en réduisant la fertilisation minérale. On évoquait aussi la rotation luzerne/maïs où la légumineuse apportait la plus grande partie des besoins en azote du maïs…

Plus loin dans la revue, autre découverte…Sous le titre : « Limite aux simplifications des façons culturales ». Dans cet article, l’auteur, ingénieur agronome, mentionnait notamment, l’arrêt du labour afin de réaliser des économies de carburant. Sauf, bien entendu, je cite : « dans les parcelles trop humides, trop sales, trop battantes ou trop dégradées par une compaction due à des travaux précédents de récoltes ou des charrois ». Et, plus loin, il y avait un « Oui, mais… » et : « Avant toute simplification, il convient de réfléchir sur les conséquences qu’elle pourrait avoir ». Là, l’auteur mettait en avant les problèmes de pailles (à cette époque, rappelons qu’on simplifiait aussi les successions culturales avec de plus en plus de blé sur blé). Il mettait aussi en avant les problèmes de désherbage en l’absence de labour…Quand à la conclusion, elle disait ceci : « S’il faut absolument rechercher la simplification dans les façons culturales, il est des limites raisonnables, variables selon les circonstances, qu’il ne conviendra pas à dépasser »… Et bien aujourd’hui, 30 ans plus tard, je suis particulièrement fière que ces « limites » aient pu être dépassées et que l’heure, pour certains, soit même à l’agriculture écologiquement intensive. Que de chemin parcouru, certes parsemé d’embûches mais nous y sommes ! Mais alors, que lirons-nous dans 30 ans ???


1er
juin
2010

Çà « phosphorise » toujours !

J’aime, au travers de ce carnet, vous livrer, tel quel, certains écrits. Celui-ci, ci-dessous, a pour source Univers-Nature, un portail internet touchant à tout sujet relatif à la Nature. Ses bases sont, à mon avis, sérieuses. Et surtout, ce portail n’est pas, non plus, écolo au sens péjoratif du terme. Lisez donc cet article sur le phosphore. Ma propre conclusion est la suivante : dommage que son auteur n’en soit resté qu’à « l’agriculture raisonnée » et à « l’amélioration des pratiques agricoles » et ne connaisse pas notre agriculture de conservation. Un défaut d’information auquel il faudra bien remédier…
Ah ! les lessives sans phosphate… on se souvient des produits ménagers pionniers dans la lutte contre la pollution et de leur cocasse campagne publicitaire dont Coluche aurait bien pu se repaître. Mais alors que dans les années quatre-vingt on entendit beaucoup parler de l’eutrophisation, de la pollution des eaux par le phosphore, où en est-on aujourd’hui ?
Ce mois-ci, le service de l’observation et des statistiques (SOeS) du ministère de l’écologie, publie un point sur le phosphore dans les sols, sous-titré « nécessité agronomique, préoccupation environnementale », en d’autres termes, un mal nécessaire (?). Car les apports en phosphore dans les sols français et, par voie de ruissellement, dans les eaux, ne viennent pas seulement des activités domestiques, et loin de là. Les effluents urbains ne représentent que 5 % des apports totaux. La majorité des apports se trouve sous forme d’engrais minéraux de l’agriculture.

Dans les conditions naturelles, le phosphore qui, avec l’azote et le potassium, est un des trois nutriments indispensables aux plantes, est issu de la décomposition des végétaux morts. Mais en milieu agricole, toute la biomasse végétale étant récoltée, le phosphore des organismes ne retourne pas au sol et des apports en fertilisants sont nécessaires. En 2001, près de 775 000 tonnes de phosphore étaient apportées aux sols français, par les engrais, les déjections animales (pour 40 %) et les effluents domestiques et industriels (8 %). Selon une estimation relayée par l’IFEN, 9 % de ce phosphore serait rejeté dans les eaux chaque année en moyenne. Il en résulte, pour la pollution phosphatée des cours d’eau, que 6 % des quelque 2 000 points de mesures des Agences de l’Eau, sont de qualité mauvaise à médiocre.

Les teneurs en phosphore toujours en augmentation Les chiffres de l’Union des industries de la fertilisation (Unifa) révèlent une baisse généralisée de l’utilisation des engrais phosphatés sur les 35 dernières années. Là encore, une tendance moyenne, puisque dans le détail de la chronologie, les livraisons d’engrais ont connu des hausses entre 1978 et 1980 et entre 1988 et 1990, suivant le prix des céréales qui stimula la course au rendement sur ces périodes. L’évolution des quantités d’engrais utilisées est également très contrastée selon les régions. Par exemple, les régions d’élevage extensif, comme le Limousin ou l’Auvergne, ont des besoins moindres en engrais et ont toujours eu des apports inférieurs à la moyenne nationale. D’autres régions, céréalières, l’Ile-de-France ou la Champagne-Ardenne, ont connu des baisses mais restent encore supérieures à la moyenne nationale. En Bretagne, depuis 1972, les livraisons d’engrais phosphatés de synthèse ont diminué de plus de 75 %. Mais cette baisse s’explique seulement par une augmentation de l’usage des effluents d’élevage pour l’enrichissement des sols agricoles. Ainsi, si les industriels observent une diminution des livraisons d’engrais, le SOeS note qu’il « n’y a pas de diminution concomitante dans les sols ». Dans 43 % des cantons étudiés par l’observatoire, la teneur en phosphore des sols continue d’augmenter. Les régions concernées sont la Bretagne, les Pays-de-Loire, la Champagne-Ardenne et l’Aquitaine. Alors bien joli le discours sur « l’agriculture raisonnée » ou « l’amélioration des pratiques agricoles » car les conclusions de Véronique Antoni du service de l’observation et des statistiques sont assez édifiantes. L’auteur nous explique tout simplement que les teneurs en phosphore « peuvent être interprétées en tenant compte des caractéristiques des sols et de l’exigence des plantes ». Ainsi en Bretagne, dans le Nord-Pas-de-Calais, ou en Alsace, « la plupart des sols sembleraient disposer des teneurs en phosphore suffisantes » quelle que soit l’exigence des plantes. Les apports, notamment issus de l’élevage intensif dans le cas de la Bretagne, seraient donc complètement surdimensionnés. Seuls moyens pour réduire la pollution des sols et des milieux aquatiques, le bilan du phosphore dans les sols et une fertilisation ajustée au strict besoin des plantes sont donc toujours au programme. Et nous sommes en 2009… Elisabeth Leciak