Cécile Waligora

  • Plantation d'une haie avec une planteuse forestière
  • Bousiers dans un crottin de cheval Tarpan
  • Tas de pierres en bord de parcelle dans l'Yonne
  • Détails du couvert d'été : sorgho, tournesol, radis chinois et colza
12
mars
2014

La longue, très longue histoire des résistances…

Petit îlot de graminées indésirables dans une orge cultivée en semis direct (photo : C. Waligora)Il est bon de conserver certaines « vieilleries »… Grâce à des collections d’herbiers, vieux parfois de plus de 200 ans, des chercheurs montrent que, bien avant l’utilisation d’herbicides (au sens de molécules organiques de synthèse), les résistances existaient déjà…

Parlons un peu de ces herbicides. Ces molécules de synthèse sont une création de la seconde guerre mondiale. Elles ciblent certaines fonctions vitales des plantes dites indésirables ou adventices. Mais ces molécules ont une durée d’action limitée dans le temps… En effet, dans une population donnée d’adventices, toutes n’ont pas la même sensibilité à l’herbicide et après l’emploi de celui-ci, seuls les individus sensibles sont éliminés. Restent les individus possédant naturellement un ou plusieurs gènes de résistance. Et, au fur et à mesure de l’application de cette même molécule, les individus résistants sont de plus en plus nombreux, rendant l’herbicide de moins en moins efficace. Ainsi, de manière naturelle, l’ADN des plantes, d’une génération à une autre, subit spontanément des mutations.

Les travaux en question ont été réalisés dans l’unité d’agro-écologie de Dijon et portent sur des herbiers issus des collections de Dijon, Genève et Montpellier. Les chercheurs ont donc travaillé sur des plantes qui n’avaient jamais connu une seule goutte d’herbicide, notamment des vulpins. L’analyse de l’ADN de 734 plantes collectées entre 1788 et 1975 a permis de trouver une mutation chez une plante datée de 1888 et cette mutation est actuellement la plus répandue dans les populations de vulpin. La résistance était donc présente avant l’emploi de molécules herbicides mais cela suggère aussi que la fréquence naturelle de plantes résistantes pourrait être plus élevée que ce que l’on pouvait bien penser. Conséquence logique : le risque de résistance suite à l’emploi d’herbicides est sans doute plus élevé encore que ce qui est admis.

Bien entendu, cela ne met pas encore plus de discrédit sur les molécules herbicides de synthèse. Simplement, cela appuie encore plus le devoir d’utiliser non pas un mais des moyens de contrôle du salissement, en premier lieu notre fameuse rotation longue, diversifiée et équilibrée.


23
août
2013

La perception des adventices par le maïs

Maïs en semis direct au Dakota (Dakota Lakes Research Farm)

Tout un chacun connaît l’effet de « compétition » des plantes entre-elles pour beaucoup d’éléments indispensables à leur existence : la lumière, l’eau, les éléments nutritifs. Je mets volontairement le mot compétition entre guillemets car, entre les plantes, il existe aussi de nombreuses relations positives mais ce n’est pas l’objet de mon propos.

L’équipe canadienne du professeur Clarence Swanton de l’Université de Guelph, en Ontario a porté son attention sur les relations qui existent entre une plante cultivée, le maïs et ses adventices. Ils ont ainsi pu démontrer que le maïs est capable de détecter la présence des « mauvaises » herbes avant même qu’il n’en subisse un impact physique négatif (contact, ombre). En fait, il capte les signaux lumineux émis par le feuillage et les tiges des toutes jeunes plantules. La qualité de la lumière rouge perçue lui indique le niveau « d’urgence »… Ainsi, ces signaux stimulent plus ou moins sa croissance mais pas celle de ses racines, plutôt celle de la tige et des feuilles, comme une course vers la lumière. Le maïs essaye ainsi, en captant très précocement ces signaux, de prendre de l’avance sur le développement des autres espèces.

Mais il y a un impact dans cette course : le maïs a délaissé ses racines et il va le payer. L’équipe canadienne a ainsi démontré qu’un maïs en train de lever et qui côtoie de l’amarante à raison de 0,5 plant par rang de maïs va voir son rendement amputé de 5 % (comparaison avec un maïs sans amarante mais surface étudiée non connue). Mais si l’adventice apparaît plus tard, après le stade 7 feuilles de la culture, celle-ci n’en est pas affectée. Depuis le temps qu’on rabâche aux producteurs qu’il faut contrôler les adventices très précocement, on sait vraiment pourquoi !


9
juillet
2013

La fertilité du sol commence par la bouse…

Bousiers dans un crottin de cheval Tarpan
Voyez, à l’intérieur de ce crottin, le nombre de galeries présentes. On peut également distinguer l’un de ses occupants. Mais la plupart sont tellement rapides qu’il est bien difficile de les photographier ! Ici, nous sommes sur du crottin de cheval non vermifugé.

Qui a déjà pensé à aller voir ce qui se passe dans une bouse ? Bon, je sais, vous passez certainement vos heures « libres  » à autre chose… C’est à l’occasion d’une visite, à la maison, de Daniel et Christiane Rougon, entomologistes et professeurs de l’Université d’Orléans maintenant à la retraite, que j’ai eu l’occasion de regarder de plus près ce qui se passe à l’intérieur d’une bouse ou, plus exactement, d’un crottin… Nous avons comparé deux types de crottins : ceux issus d’un élevage de chevaux (le mien, en l’occurrence) et ceux de trois chevaux tarpans, vivant en semi-liberté à quelques km de là. Ces trois chevaux-là font partie d’un programme de sauvegarde de cette race très ancienne (le projet Tarpan) : la seule intervention humaine, sauf accident, consiste seulement à les surveiller. Ils ne sont donc pas, par exemple, vermifugés. Les miens si, à raison de trois vermifuges annuels (molécules employées, en alternance : ivermectine +/- praziquantel et fenbendazole).

Pour rappel, dans les excréments des animaux, vivent, notamment, des insectes coléoptères, les bousiers. Coprophages, ils vivent des excréments. Certains en font des boulettes qu’ils roulent mais la plupart vivent à l’intérieur de la bouse. Ils se nourrissent de la matière fécale mais en enduisent aussi leurs galeries qu’ils creusent à l’intérieur de cet habitat mais aussi dans les premiers cm du sol, parfois jusqu’à plusieurs dizaines de cm de profondeur. C’est dire s’ils participent activement à la décomposition des matières organiques et leur assimilation au niveau du sol. Ils font ainsi parti des premiers acteurs de la dégradation des MOS.

Le résultat de cette comparaison se passe presque de commentaires ! Dans les crottins « maison », on ne retrouve que 2 ou 3 espèces de bousiers, pas plus. Alors que dans les crottins des tarpans, çà grouille, tellement il y en a. A l’œil, il est très difficile de les identifier (ils sont très vifs !) mais notre célèbre entomologiste a, comme à son habitude, fait des prélèvements et compte s’attabler à leur identification prochaine. Toujours est-il qu’il y en a bien plus que dans les crottins de chevaux vermifugés et surtout, on y trouve des espèces sensibles à l’ivermectine. En comparaison, dans les crottins de chevaux régulièrement vermifugés, on trouve des espèces devenues résistantes à cette molécule. Ce qui confirme ce que l’entomologiste a pu observer par ailleurs et notamment dans des élevages de bovins ou d’ovins : la vermifugation n’agit pas que sur les vers intestinaux des animaux élevés mais aussi sur les insectes coprophages et leur diversité. On sait que chaque espèce présente a son rôle dans chaque écosystème. Un déséquilibre et toute la chaîne, tout le fonctionnement de l’écosystème est affecté. C’est la même chose ici. Un impact collatéral de la vermifugation qui a forcément des conséquences sur la fertilité globale des sols.

Il est évident, à l’image des pesticides, qu’on a trop forcé et qu’on force certainement toujours trop dans l’usage de ces produits. Il faut sans aucun doute raisonner autrement. Pas facile dans des contextes sanitaires souvent tendus où tout doit être clean et tracé ! Pourtant, d’autres pistes existent. Pour en avoir discuté en direct avec eux, des chercheurs planchent sur d’autres manières de raisonner la vermifugation des animaux, de manière à diminuer l’usage des molécules. Car, bien entendu, il n’y a pas que l’impact sur la fertilité des sols, impact de faible poids aux yeux de beaucoup, il y a surtout, pour eux, le développement de résistances ! Ainsi, en tous cas en ce qui concerne les chevaux, des scientifiques planchent sur un raisonnement de la vermifugation à partir des analyses de crottins pour éviter les traitements systématiques et d’ailleurs, souvent mal employés (pas les bonnes molécules par rapport à la cible, pas les bonnes périodes de traitement, pas les bonnes doses…)

On m’aurait dit que j’écrirais autant sur les bousiers…


4
avril
2013

Versailles en mode AC

A Versailles, il y a certes un château bien connu mais qui n’aurait pas sa valeur sans ses célèbres jardins. Et son potager ! Jusqu’au XIXème siècle, on n’imaginait pas de château sans potager. C’est donc tout naturellement que Louis XIV eu droit au sien, digne de son rang. Sa création fut confiée à Jean-Baptiste de la Quintinie, avocat et agronome du XVIIème siècle.

Le Potager du Roi fut et est encore un véritable laboratoire expérimental où la Quintinie testa différents procédés de taille, de traitement ou de multiplication. Il abrite aujourd’hui encore une école, l’Ecole Nationale Supérieure de Paysage. On y donne également nombre de formations pour les amateurs et les productions sont vendues sur place. Environ quatre cents variétés fruitières et autant de variétés légumières récentes et anciennes sont cultivées au Potager du Roi. Et que découvre-t-on ? En l’honneur des 20 ans de France Plants [1]. en 2011, un essai sur la culture des pommes de terre sans labour et sous paillage a été mis en place. Ce fut plutôt une réussite comme nous l’explique la jardinière en chef du Potager du Roi, Christine Dufour : « Cet essai comprenait une multitude de variétés et de répétitions. Le précédent était un maïs puisque nous avions, sur le site, un labyrinthe en maïs. Après arrachage, les cannes ont été broyées, laissées sur place avec ajout de paille. Le matelas ainsi constitué faisant environ 10 cm d’épaisseur et, au fur-à-mesure de sa dégradation, nous en avons rajouté. Cette année-là, la plantation a été tardive, en juin. Nous avons juste ouvert la paille pour y déposer les plants et refermé derrière. Les opérations suivantes se sont résumées à rajouter à nouveau de la paille au fur-et-mesure de son évolution. La récolte s’est faite en septembre dans un sol agréable, bien meuble grâce au paillage. Il y a avait un peu de verdissement là où il manquait un peu de paille mais pas de manière à remettre en question la technique. Si la période n’avait pas été propice à une attaque de mildiou, cela aurait été très positif. » Suite à ce premier essai, le Potager du Roi a réitéré l’expérience en 2012 (lui seul). « L’essai était plus modeste, indique la spécialiste, nous avons planté plus tôt, en mai mais malheureusement, encore une fois et de façon beaucoup plus importante, le mildiou nous a joué de mauvais tours. »

Convaincus néanmoins par l’intérêt du paillage (protection du sol, de sa vie et, surtout, non travail du sol fastidieux et coûteux), l’équipe du Potager a décidé de réessayé cette année, quand le printemps voudra bien s’installer. Son seul frein est en fait, extérieur : « nous n’avons pas de paille et il faut l’acheter », résume C. Dufour. Avis aux éventuels exploitants qui seraient proches de Versailles : si vous avez trop de paille pour vos vers de terre, vous savez maintenant à qui en faire bénéficier !


2
janvier
2013

Une double récolte surprenante (Rosé des prés)

Champignons rosés des prés dans des chaumes de blé d’une parcelle en TCS et semis direct.

Cette photo nous a été envoyée la première quinzaine d’octobre 2012 par Stéphane Deniziot, TCSiste dans l’Indre. Il s’agit bien de champignons tout à fait comestibles, des rosés des prés, récoltés dans les chaumes d’un précédent blé, parcelle conduite en AC. « A défaut, cette campagne, de colzas pour mon porte-monnaie, ni même de beaux couverts pour mes sols (même si, avec les pluies récentes, certains commencent à être intéressants), la nature est néanmoins bien faite : elle a pensé à mon estomac ! », indique, non sans humour, l’agriculteur. Peut-on parler, dans ce cas-là, de double récolte ?
Pour la petite histoire, S. Deniziot est en TCS depuis qu’il s’est installé en 1995. Produisant du blé, de l’orge, du colza, du maïs, du pois d’hiver et du tournesol, il a faillit arrêter le colza en raison de baisses de rendements et de salissements devenus récurrents. Une technique a permis de conserver cette culture dans sa rotation : le colza associé et Stéphane travaille depuis plusieurs années en étroite collaboration avec Gilles Sauzet, du Cetiom tout proche. Un reportage lui a été consacré dans la revue Cultivar de juillet/août 2012.


20
décembre
2012

Le sorgho, idéal pour compléter l’alimentation du sol

Semis direct dans un couvert de sorgho

De bien belles photos spectaculaires que celles-ci envoyées par Hervé Chambe, éleveur SDiste en Savoie. Elles ont été prises cet automne 2012. Il s’agit d’un couvert de sorgho implanté en direct après une orge. L’éleveur est en train d’y semer un deuxième couvert, de radis-vesce-avoine. Suivra, au printemps prochain, un maïs semé en direct dans ce deuxième couvert maintenu vivant.

Couvert de sorgho en Haute-Savoie

Pour lui, ce couvert de sorgho dont il est sûr, en général, d’obtenir un gros volume végétatif, est uniquement là pour produire de la biomasse en abondance pour son sol. Il ne l’utilise pas pour alimenter son élevage, seulement celui de vers de terre ! Il s’agit aussi d’un sorgho dont on sait que, sous son couvert, rien ou presque ne pousse, idéal pour maintenir une parcelle propre, sans compter l’effet double du second couvert. Pour l’agriculteur, les deux couverts successifs devraient produire entre 15 et 24 t MS/ha. Pour info, au printemps 2012, son couvert de radis-vesce-avoine avait produit 6 t/ha. Cet automne, son sorgho a déjà produit entre 15 et 18 t/ha.